CHRONIQUE (SIWEL) — L’affaire de saisie le 29 mai dernier au port d’Oran de 701 kg de cocaïne empaquetés dans des emballages « viande halal » à bord du cargo MC Vega Mercury battant pavillon libérien qui a fait coulé beaucoup d’encre, en dépit de ses relents électoralistes et clientélistes évidents, révèle, une fois de plus, l’étendue du phénomène de corruption dans les plus hautes sphères du pouvoir algérien.
Cette affaire, dont le montant total de la drogue saisie est évalué à 242 millions de dollars, sur la base de 40 000 DA (345 dollars) le gramme, aux multiples zones d’ombre, a éclaté néanmoins au grand jour la lutte des clans parmi les hauts responsables militaires et politiques algériens à la veille d’une échéance présidentielle incertaine, où les pro-Bouteflika peinent à imposer un cinquième mandat de leur poulain, pour ne pas dire canasson.
Le limogeage du chef de la police algérienne, le général-major Abdelghani Hamel sanctionne en effet une longue histoire aussi rocambolesque qu’invraisemblable, digne des films hollywoodiens, mais ne dit pas tout sur la gravité d’une situation dont les ramifications dépassent les frontières, atteignant l’Espagne et le Brésil et même les Etats-Unis. Ces derniers auraient dépêché le FBI pour élucider les dessous de cette scabreuse affaire. D’où l’affolement des autorités algériennes et les sanctions qui s’en sont suivies dans les rangs des généraux et des magistrats, en guise de lutte feinte contre le phénomène de corruption.
Qu’à cela ne tienne, des zones d’ombre subsistent, enfonçant le pouvoir algérien dans l’impunité qu’il cultive à tout bout de champ, en ce sens qu’elle est devenue l’instrument de se maintenir au pouvoir. Ces hauts responsables et magistrats incriminés seront-ils vraiment sanctionnés par la justice ? Pas si évident, à moins de les « promouvoir » à d’autres fonctions, moins visibles, mais plus avantageuses et encore plus juteuses.
Cette affaire s’ajoutera certainement à la longue liste des crimes impunis, à commencer par l’assassinat de Boudiaf en 1992 et des 128 jeunes kabyles du Printemps noir de 2001, en passant par les scandales Khalifa, Sonatrach et l’autoroute Est-Ouest.
Le limogeage du général Hamel, lui-même fidèle au clan de Tlemcen, désigné par Bouteflika, pour un vulgaire propos, somme toute anodin, relèverait de la mascarade cependant, car des péripéties qui s’apparent à un règlement de compte ont précédé cette option.
En effet, le frère du chef de la police avait été limogé des rangs des Douanes, à Annaba, quelques jours auparavant, avant qu’il ne soit réhabilité et muté à Tlemcen. Des escarmouches étroitement liées au conflit né de la saisie de drogue au port d’Oran, entre les services de la police et ceux de l’armée.
Aussitôt alertés par les autorités espagnoles sur ce bateau rempli de cocaïne – autre énigme de cette affaire – les services algériens ont confié la saisie de la marchandise aux forces de l’armée alors que celà relève du ressort exclusif de la police.
En d’autres termes, le général-major Ahmed Gaid Salah, chef d’état-major de l’armée (ANP), lui natif de Annaba, a pris le dessus sur le patron de la police, confortant ainsi la thèse de la lutte des clans qui bat son plein en cette période d’avant l’élection présidentielle. Par ailleurs, les échos internationaux suscités par cette affaire de cocaïne, notamment la présence du FBI en Algérie, renseignent, si besoin est, sur d’autres enjeux, autrement plus sérieux et plus graves, à commencer par la nature de la marchandise saisie à bord du bateau en question et ses origines.
Epinglée déjà pour son traitement réservé aux migrants subsahariens et ses restrictions à la liberté d’expression, dont la tristement fameuse condamnation du blogueur Merzoug Touati, l’Algérie continue de collectionner les blâmes de l’opinion internationale.
Mokrane Aweɣlis
SIWEL 082000 JUL 18