Déclaration du Dr Kameleddine Fekhar du 20 avril 2017
Ami(e)s de lutte, Salutations militantes,
I- Je suis entré dans une grève de la faim, le 3 janvier 2017,
1- après avoir perdu tout espoir quant à l’obtention d’un procès équitable et après avoir subi la persécution exercée également sur tous les citoyens M’zab.
Durant deux années, nous avons été victimes d’attaques systématiques d’ordre raciste. Des actes classés comme crimes contre l’humanité. Ces attaques organisées et orchestrées par le pouvoir qui nous en accuse. Ainsi, après plus de 18 mois de détention arbitraire, prolongés sans justification aucune; et sans même avoir été confronté par le juge d’instruction par des faits matériels déterminés dans le temps et le lieu, auprès du Tribunal de Berriane et de Ghardaïa, qui m’ont été associés et je m’en retrouve accusé. Ainsi que le refus, par les mêmes juges de procédé à la convocation de témoins, dont l’avocat avait présenté une liste de noms, parmi lesquels figurait celui du Secrétaire Général du Parti au pouvoir Front de Libération Nationale (PFLN), à cette époque, M. Ammar Saidani. Ce dernier avait clairement et publiquement déclaré à l’opinion publique, à travers les différents supports médiatiques que le général en retraite Mohamed Mediène, dit Toufik, est responsable de la mise en œuvre des évènements de Ghardaïa. Une déclaration documentée, correspondant exactement aux faits qui se sont déroulés sur le terrain, ce qui devrait systématiquement faire tomber toutes les accusations portées à mon encontre, ainsi que les autres détenus qui subissent le même sort que le mien.
Aussi, le refus par le procureur de la République du tribunal de Ghardaïa et le juge d’instruction, du même tribunal, d’examiner toutes mes plaintes déposées par mon avocat.
2- Au vu de la série de crimes contre l’humanité visant les citoyens du Mzab, laquelle, à mon grand désespoir, allait crescendo, et au vu des crimes en violation de la Constitution, dans plusieurs de ses articles et toutes les Conventions Internationales et Traités, ratifiés par l’Algérie, dans le domaine des droits de l’Homme, comme suit:
a- la poursuite raciste et ethnique du régime, visant à éliminer l’identité Mzab, à travers les pratiques bien connues du parti et de la pensée uniques, depuis l’indépendance.
Il faudrait savoir que depuis novembre 2013, à ce jour, les dernières étapes se résument en la mise en œuvre des attaques systématiques, lesquels ont affiché un bilan de dizaines de morts et des centaines de blessés, ainsi que le déplacement de centaines de familles, causant ainsi des millions de dinars de pertes et la quasi-destruction du commerce qu’est la base économique du Mzab. Toutes ces pratiques n’ont qu’un seul but, celui de répandre la peur et la terreur, ainsi que l’insécurité, en imposant un fait accompli au Mzab ; les obligeant à abandonner leurs principes religieux, ethniques et identitaires, ce qui peut se résumer en deux mots : Nettoyage ethnique.
b- Le Crime d’Apartheid se définit par:
1- La criminalisation de l’activité politique et de l’activisme, exclusivement aux citoyens M’zab, contrairement aux citoyens des autres régions. Leur identité se définissant dans les procès verbaux officiels de la police judiciaire et du juge d’instruction, démarche appliquée uniquement sur les citoyens M’zab. Une pratique qui mène directement et sans transition à la discrimination raciale, puisque les personnes sont décrite comme étant un tel ou une telle ibadite ou appartenant à la communauté ibadite.
Ces pratiques discriminatoires, similaires à celles utilisées par les tribunaux d’inquisition à l’époque de la chute de l’Andalousie, en exécutant des arrestations arbitraires collectives reposant sur l’identité, contre les M’zab, les expédiant en prison avec de graves accusations non fondées, passibles de peine de mort.
Ces accusations ne sont fondées sur aucun fait matériel déterminé par le temps ou le lieu, relatifs aux accusations ou à l’accusé. Ces pratiques ne visent que les membres de la classe politique, des militants des droits Humains et les conservateurs de la tradition ibadite, ainsi que tous les citoyens M’zab soupçonnés d’appartenir ou de sympathiser avec eux ainsi que les membres de leurs familles, l’abus allant jusqu’à leur coupé leur sources de vie.
2- La violence raciste portée à l’encontre de cette tranche de la population algérienne, et qui persiste même entre les murs de la prison de Ghardaïa.
II – Cette grève de la faim que j’ai suivie durant trois mois et 18 jours, sur un total de plus de 5 mois, sur les 21 mois d’incarcération, qui m’ont épuisé, ainsi que le refus de m’administrer le traitement de l’hépatite que j’ai déclarée. Des étapes sanitaires qui m’ont valu un épuisement physique total et une sévère émaciation (amaigrissement). Ces deux faits ont mené à la progression du virus malin dont l’activité a récemment augmenté. Selon le médecin de l’hôpital de Laghouat, il faudrait entamer le traitement dans l’urgence, avant qu’il ne soit trop tard, seulement, il faudrait que je retrouve, d’abord, ma force physique à travers l’alimentation adéquate, avant le début du traitement.
III – Malgré ma détermination et mon insistance à poursuivre mon action jusqu’au bout, je n’ai pu tenir plus longtemps devant les demandes, les conseils, les supplications et même la colère des membres de ma famille et de mes amis, des avocats, célébrités, personnalités, militants et même de simple citoyens, me demandant de mettre fin à ma grève de la faim. Ces demandes me sont parvenues de tout le territoire national, mais également de l’étranger et à travers plusieurs nationalités. Je voudrai, à ce propos, saluer l’extraordinaire solidarité et la mobilisation sans discontinue de mes sœurs et mes frères Amazigh des quatre coins du monde.
IV – J’ai choisi de suspendre ma grève de la faim, à l’occasion de la commémoration du printemps Amazigh et à l’attention du groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire, concernant les événements de Ghardaïa pour établir la vérité ; et l’organisation d’une marche d’Alger à Laghouat. Pour tout cela, j’annonce la suspension de ma grève de la faim par besoin de commencer le traitement et de reprendre ma capacité à poursuivre la lutte de manière pacifique avec tout le monde, dans le but de :
- Mettre la vérité sur les événements de Ghardaïa sous la lumière du grand jour.
- Mettre un terme à la distinction raciale pour mettre fin à la criminalisation des droits de l’homme et l’activité politique des citoyens M’zab et la libération de tous les prisonniers d’opinion sur tout le territoire national, en leur rendant leur considération. c- Mettre fin au crime de nettoyage ethnique pour mettre fin au système d’apartheid ciblant et menaçant la région du M’zab et ses habitants d’exclusion, ainsi que de fabriquer la violence sectaire, dans la mise en œuvre de la politique dite de division machiavélique et de conquête et celle de la fin qui justifie les moyens.
- Maintenir l’identité M’zab et faire la promotion d’un patrimoine commun à tous les Algériens qui se doivent de le maintenir.
- La restauration du droit au respect, la dignité et le droit à la pleine jouissance de la citoyenneté pour les M’zab, tout comme chaque autre algérien, sans distinction aucune.
- Le mode de réalisation de l’état de droit et la séparation complète des pouvoirs avec la nécessité de l’incarnation réelle de l’indépendance du pouvoir judiciaire.
- Le respect de tous les droits et libertés, toutes les libertés de tous les citoyens sans aucune discrimination pour cause de naissance, de race, de sexe, d’opinion ou de toute autre condition ou circonstance.
Continuons à marcher ensemble sur les traces du Mahatma Gandhi, Martin Luther King, Nelson Mandela et Maatoub Lounes…
Dr Kameleddine Fekhar,
le 20 avril 2017
SIWEL 202254 Apr 17 UTC