KABYLIE (SIWEL) — En ce funeste 25 juin, un jour de commémoration et de deuil à travers tout le pays kabyle, un jour sombre dans l’histoire contemporaine de la Kabylie, mais aussi un jour en hommage au Rebelle qui s’est sacrifié pour un peuple qui ne le mérite probablement pas… on assiste à une trahison sournoise orchestrée de toute part, visant à voiler, voire à effacer la kabylité de Lounès du champ visuel de l’opinion publique. Le mode opératoire consiste à estomper « Matoub le Kabyle » au profit de « Matoub l’Algérien » qui doit s’imposer comme une évidence. Cette opération aurait très bien porté cette devise : « ôte-moi ce Kabyle imposant que je ne saurais voir ». Ainsi, on a exécuté l’homme, on s’en prend depuis au symbole qui dérange davantage et qui ne veut pas tomber.
Bien évidemment, un tel forfait de plus, de trop, n’aurait pas pu se faire sans la complicité habituelle de certains
Kabyles qui, certes, n’agissent pas forcément ensemble, mais ont en partage la perversité narcissique ainsi que le
déshonneur et l’infamie pour oxygène.
Comment ose-t-on, avec un tel cynisme, manipuler une telle mémoire ? Cela n’aurait pas été si sa kabylité n’était pas
en train de prendre sa revanche sur l’histoire malmenée et falsifiée ? Rien que son œuvre posthume « Lettre ouverte
aux… », le quidam sait et se rappelle de la parodie de l’hymne algérien et du dernier testament « Ddwa-s ad ncerreg
tamurt / Ad nevrez tunna ».
À une autre époque, nous serions tous passés à côté de faits majeurs qui change complètement la donne, ce n’est
plus le cas à l’ère des nouvelles technologies de l’information où, au grand dam des élites corrompues et corruptibles
à souhait, le monopole sur la connaissance et l’information n’est plus leur chasse gardée. Ainsi, nous savons désormais qu’une année avant son assassinat, sur la scène de son dernier Zénith Paris, Lounès Matoub, plus olympien que jamais, asséna : « N’en déplaise à certains, je suis kabyle, et ce n’est pas utopique de dire qu’on voudrait une république de Kabylie, une autonomie, être nous même, axaṭar wiyaḏ c’est l’incompatibilité totale, am jenjaṛ i tiṭ ».
Après ça, que dire de plus ?
Rien. Absolument rien, sinon, que cesse l’exploitation vipérine de causes qui ne peuvent avoir du sens ou aboutir que dans le cadre de cette Kabylie esquissée par Matoub en 1997. Ainsi, aucune justice ne pourra être rendue totalement et concrètement en dehors de ce cadre. Cesser également de vouloir mutiler inutilement la mémoire d’un homme qui a su préciser les contours de son message et planter des balises pour qu’on ne puisse pas tripote son legs en son absence et ce, même si, au vu de tout ce qui se dit, de ce qui se fait autour de sa mémoire, dans sa demeure, tout près de sa sépulture, et de tout ce qui se passe présentement en Kabylie où une persécution inédite des indépendantistes bat son plein pendant que chaque Kabyle, quel que soit son orientation politique, attend juste son tour pour passer au purgatoire de l’État colonial, Lounès se retourne surement dans sa tombe.
Dans ce sillage, des jours sombres pour le peuple kabyle se profilent à l’horizon, ce que le MAK n’avait de cesse de rappeler depuis toujours, notamment depuis le début du vendredisme dit hirak. Les conséquences sont là : le régime
colonial algérien en a profité pour se recycler en s’appuyant sur un anti-kabylisme décomplexé et en assumant ouvertement l’idéologie arabo-islamiste pour opérer son interpénétration d’avec la société algérienne qui en a fait
son élément. En Kabylie, le désastre le plus pénible de cette nouvelle ère, outre la manipulation des masses sur fond d’une désorientation idéologique et d’une désinformation systématique, réside dans l’éparpillement des énergies et
l’anéantissement avancé des ressors culturels de la société : Qui aurait pu prédire que des Kabyles, par dizaines, soient arrêtés arbitrairement, kidnappés de chez eux au milieu de la nuit, dans le silence, la passivité, l’immobilité, l’indifférence, voire la complaisance de tout le quartier, de tout le village, de tout l’Arch et du reste de la Kabylie ?
Nous en sommes là aujourd’hui et Matoub Lounès dont nous commémorons aujourd’hui le 23e anniversaire de son assassinat, n’aurait jamais accepté ni d’être spolié de sa kabylité sans laquelle il n’aurait pas existé, ni d’abandonner les militants du MAK à la violence et à la haine d’une Algérie on ne peut plus coloniale.
L’UNIQUE ISSUE : L’ÉTAT KABYLE INDÉPENDANT. .
Hakym
SIWEL 262105 JUI 21