KABYLIE (SIWEL) – L’image d’une Kabylie heureuse pour les détenus libérés et leurs familles l’accueil qui leur a été réservé par les villageois, me replonge à tout égard dans ma merveilleuse Kabylie, la Kabylie amoureuse de la liberté, la Kabylie de l’indéfectible solidarité, la Kabylie de la fraternité, la Kabylie de la justice et de l’égalité. Une Kabylie, peuple, nation et société fière de son identité millénaire qui renvoie la piètre image déformée du vide existentiel et culturel à une Algérie en mal d’identité, en mal de langue et de culture propres, une déshérence sans borne de ceux qui se positionnent hors l’ancestralité, un vide et un complexe que le régime cherche à combler et à compenser par une violence inouïe et une haine de l’ancestralité, une haine du Kabyle qu’elle couple avec un racisme ouvertement assumé, une volonté d’effacer la Kabylité au prix du meurtre, au prix du génocide par les armes, par le feu, par l’utilisation d’une idéologie intégriste violente, raciste et terroriste ne supportant aucun écart quant à sa vision de l’humaine condition au su et au vu d’une opinion internationale qui semble obsédée par les intérêts mercantiles égoïstes. Pour m’en tenir à la France officielle, ma patrie d’adoption, que dire de l’omerta imposée aux médias, que dire de l’AFP qui rapporte des informations non fondées de la régence d’Alger et que diffusent d’autres journaux au mépris de la déontologie journalistique, que dire de son refus d’objection contradictoire ? Tout ceci ne légitime-t-il pas des condamnations à mort d’innocents alors même que la vérité est connue à l’échelle internationale ? Un fait gravissime d’une condamnation à mort de cinquante-quatre Kabyles innocents pour un crime que le régime aux abois, a commis au su et au vu du monde entier, un régime près à en découdre avec la KABYLITE, voir la KABYLIE dans son ensemble à travers le « projet zéro Kabyle ». Que faut-il rajouter aux assassinats des leaders politiques ; à la guerre du FFS (63-65) qui a fait plus de 400 morts ; à la répression féroce des années 70 et à celle du mouvement culturel « berbère » des années 80 ; à l’élimination physique d’une partie de l’élite kabyle intellectuelle, politique et culturelle des années 90 sous la couverture du parti islamiste ; à l’assassinat de Lounès Matoub ; au massacre de 2001 à balles explosives de 128 jeunes et des centaines de blessés dont certains handicapés à vie; de l’encerclement et du quadrillage militaro-policier de tout le territoire kabyle, à l’instar d’un état de guerre ; que dire de la calcination de ce même territoire (60% environ) par des méthodes militaires au phosphore blanc qui a fait des centaines de brûlés vifs et d’autres qui ont succombé aux suites de leurs brûlures , qui a décimé une bonne partie du cheptel, de la faune et de la flore, un écocide aux effets dévastateurs ; que dire de la période de la COVID avec l’interdiction de l’acheminement de médicaments envoyés par la diaspora qui a emporté des dizaines de Kabyles ; que dire de l’embastillement massif de l’élite et de son exil forcé ; de la gendarmerie qui défonce les portes des maisons villageoises et kidnappent jusqu’aux jeunes femmes, des adolescents et même des handicapés ; que dire des incarcérations des mois, voire des années pour certains, sans jugement et sans aucune raison autre que celle de défendre pacifiquement la kabylité, la liberté, la démocratie, ou une pensée politique ou philosophique. Que dire « d’une justice aux ordres » qui porte gravement atteinte aux droits fondamentaux de l’homme, qui condamne massivement des Kabyles pour leur identité, qui condamne par contumace des personnes innocentes qu’elle n’a pas convoquées, pour seule reproche l’expression de leur kabylité, alors que le régime dédommage et protège, des égorgeurs, des violeurs, des éventreurs de femmes enceintes, les assassins de 250 000 personnes lors de la « décennie noire des années 90» et dont certains leaders sont devenus des personnalités politiques. Que dire des tortures subies par les mis en cause dans des prisons où l’humanité est absente pour leur extorquer des aveux auxquels ils sont complètement étrangers.
Que dire d’une mise en scène d’un procès macabre où 49 jeunes personnes sont condamnées à mort toutes ensemble sans qu’aucun élément à charge n’ait été apporté contre elles, pour un crime odieux d’un jeune homme innocent étranger à la Kabylie dont on a programmé ce malheureux itinéraire afin de criminaliser tout un peuple, lors-même que les véritables auteurs et les véritables complices de l’odieux crime n’ont, à aucun moment, été inquiétés « et, pour cause, ils sont des agents des Services algériens et des policiers », alors que L’ONU et les organismes internationaux sont en possession de vidéos où la scène du crime est filmée en direct mettant en évidence les véritables criminels. Un délibéré qui transforme la Kabylie victime en Kabylie assassine, a fortiori son cœur battant, At Yiraten, à travers ces jugements insensés, à travers ce comportement génocidaire d’un régime chargé d’une haine incommensurable envers le Kabyle. Que dire enfin du climat de terreur qui paralyse aujourd’hui la Kabylie ? N’est-ce pas que ceci est une première mondiale, un défi à la communauté internationale tout entière ?
Il est urgent de crier au loup devant les Instances internationales. Que sont la France des Lumières, les « démocrates », les intellectuels occidentaux, les organismes de défense des droits humains devenus ? A moins que la vie d’un Kabyle, d’une personne hors richesses pétrolifères ne vaut pas une bouteille de gaz, ou peut-être ne vaut-elle plus rien !
L’hommage rendu par les villageois aux détenus libérés, à leurs enfants perçus comme des héros par des youyous, des larmes et de la joie mêlée faisant suite aux youyous qui ont éclaté dans la salle d’audience du tribunal de la honte a remis à l’honneur l’image de la Kabylie comme on l’aime, une Kabylie aux couleurs de sa philosophie hautement humaniste, de sa solidarité, de sa fraternité. Se projette l’image de la résistance et de la résilience, face à la guerre, face à l’agression, face au feu, face au crime, face à l’injustice ; se projette l’image de Fadma N Sumer à la tête de l’armée kabyle, l’image de la femme kabyle aux côtés de ses héros, poussant des youyous pour les honorer et les encourager, crachant son verbe acéré sur le lâche, un hymne à la liberté, un honneur aux maquisards de la liberté, aux maquisards de la pensée libre et de l’identité ancestrale. C’est un pays kabyle de retour à son berceau de transmission naturel: « dduh » qui le marque de son indélébile ADN, un pays kabyle près à témoigner tout son soutien à ses enfants martyrisés, un peuple à la conquête de sa liberté que le cœur, l’âme et la raison appellent à la résilience, à sortir de son état d’effroi pour retrouver ces youyous de femmes qui redonnent force et conviction. Oui, la Kabylie a peur, mais il est urgent qu’elle réagisse massivement sur la voie du pacifisme hérité de son histoire millénaire. Le silence ou la lâcheté notamment celle d’une catégorie de ses élites risque de l’enfoncer à jamais dans les ténèbres d’une idéologie mortifère à consonance « zéro kabyle ». Le courage, disait Mandela, n’est pas l’absence de la peur, mais la capacité de vaincre ce qui fait peur » et la neutralité face à l’injustice se signifie-t-elle pas se placer dans le camp de l’oppresseur ?
Le peuple kabyle peut aujourd’hui observer du haut de sa grandeur son aspiration à maîtriser son destin et bâtir son propre État, instaurer sa propre République, un parcours inscrit dans un processus historique inéluctable, observer l’image d’un système politique au profil bas qui a agi avec lâcheté, terreur et violence et qui sait désormais que la rupture avec la Kabylie est totale et définitive.
Raveh Urahmun,
Barcelone, le 07/12/2022
SIWEL 092230 DEC 2022