KABYLIE (SIWEL) — Mais, où est donc parti le miraculeux slogan « Ad ruhen akw ! Yetnehaw ga3 ! Ils dégagent, tous ! » qui unissait dans la rue, d’un calme imperturbable, le tiers état aimablement sans distinction d’ethnie, ni de sexe ni d’âge ni de rang social ? L’on dirait, cependant, que cette généreuse et courageuse sentence avait été prononcée sous l’effet d’une euphorie trompeuse dans laquelle l’esprit éveillé se heurtait, vaille que vaille, à l’irrationnel. Pis encore, elle est suppléée aujourd’hui par un état d’exaltation intense de l’esprit néfaste qui consiste à faire croire que l’expression de la démocratie ne pourrait surgir que des ressentiments, hostilités et injures.
Le 22 février 2019, d’un pacifisme qui force le respect, ils avaient investi la rue, escortés d’une juste et légitime revendication : ils dégagent tous. Aujourd’hui, où en sont-ils ? Ils sont dans la rue en groupes distincts, disparates, hétéroclites et contradictoires qui s’insultent et se raillaient pour se nuire dans une grave dégradation de l’esprit public. Chaque groupe avec des expressions dogmatiques qu’il suffit juste de le contredire pour qu’il juge les limites de la liberté d’expression outrepassées. Ils sont tous en contradiction avec le bon sens du combat démocratique. Ils crient et ils s’indignent des arrestations à Alger, à Clef ou à Constantine avec un seigneurial dédain envers des kabyles jetés en prison comme des individus de sac et de corde par des magistrats coprolithes pour le délit de kabylité. Nul ne peut se congratuler d’avoir agi pour la libération des détenus. Le pouvoir algérien arrête et relâche, il pilote des actions chacune en son temps, selon le plan qu’il a établi. Les éléments qui le constituent ne brillent ni par le savoir ni par des connaissances modernes en matière de gouvernance, certainement pas par des principes. Ils ont juste les méninges réfugiées dans l’estomac.
Dans le terrain des luttes, un travail sectaire et exclusif contre l’arbitraire contribue beaucoup plus à son apologie qu’à son anéantissement. À force de multiplier les suspects parmi les porteurs de drapeaux autres que celui de Messali, ils ont amenuisé le doute sur le vrai coupable qui promet aujourd’hui, à grand renfort de la prochaine assemblée, de les dégager tous.
Les propos cinglants dans la satire envendredillée du Hirak me rappellent étrangement Hamlet qui au » je suis venu à l’enterrement de votre père » d’Horacio, répliqua ironiquement : trêve de plaisanterie, camarade, vous êtes là pour les noces de ma mère « .
Si une confrontation de procédés de manigances s’organise entre d’un côté, le pouvoir algérien et d’un autre, Lucifer avec ses mœurs et son empire infernal, le pouvoir algérien l’emportera par expérience. Il est, à juste titre, l’expression dialectique du Mal. Il a fait du Hirak une cuisine où l’honnête résistant est désorienté pendant que des larbins cherchent à qui servir d’escorte, envers qui effectuer le service d’honneur et à qui porter la livrée.
Et, ils se trouvent des esprits incurablement en croche qui font aveu d’un éloge éblouissant au Hirak avec de la cire dans les yeux en clamant le verbe haut qu’ils ont fait vaciller le régime ! L’ascension suspecte de l’insecte intersecté, Tabou, a soufflé à des olibrius sots phraseurs mais fiers à excès l’illusion qu’ils peuvent figurer un jour en tête d’affiche. La belle affaire !
Pour me redire, pendant que le pouvoir des tartufes se régénère, les voix élevées du Hirak -qui ne sont que le produit de vitrine du régime avec un lexique lénifiant- s’entendent à mener ensembles les poules à pisser. La pensée dans les journaux enfile des perles dans l’enculage de mouche, le chipot finit de gercer le travail bénédictin et le démocrate à la mords- moi le nœud, avec ses césures à perpète les oies, bivouaque encore dans le rhétorique comme une ventouse sous le rocher de Sisyphe.
Je reviens à cette satanique loi que le luciférien gouvernement attend de faire voter par des députés souffleurs de forge, une loi qui verra jour quand on sait que l’assemblée algérienne était, est et sera toujours une sphère d’approbation, une loi décidée à l’encontre de Ferhat Mehenni et ses proches, ma nationalité je l’ai déjà perdue par vouloir. Je n’ai pas sacrifié ma jeunesse pour jeter une étoile dans un chiffon, comme disait le poète.
Mes salutations militantes aux résistantes et résistants qui récusent l’éclosion à la tricherie au sortir de la langue boueuse qui retient encore les dupes.
Djaffar Benmesbah, Le 07-03-2021
SIWEL 072110 MAR 21