CHRONIQUE (SIWEL) — Vent du Nord, vent d’Est ou d’Ouest. Un moment de l’histoire du monde, les vents s’opposaient : l’Est contre l’Ouest ou vice-versa.
Pendant ce temps, les vents du Nord et du Sud se neutralisaient, quand ils ne s’alliaient pas à l’Est ou à l’ouest, parce qu’ils marquaient leur fidélité ou souvent, leur faiblesse.
Au siècle dernier, le vent du Nord était plus fort que celui du Sud, quand celui de l’Est écrasait dès le 7e siècle, celui de l’ouest. En clair, les invasions arabo-musulmanes déferlaient sur la Numidie : ce furent morts et ruines, saccages et razzias. La Kahina ne résista pas longtemps.
Deux siècles auparavant, venus du Nord, les Vandales furent de même pour détruire Rome et son arrière cour africaine : la Numidie. A Hippone, ils découvrirent la Basilique et Saint-Augustin, le Numidien amazigh allongé sur son lit de mort. Ce vent d’Est envahisseur souffla jusqu’au sud-méditerranéen du continent européen. Le reflux interviendra dans le désordre qui anima le pouvoir d’alors, et l’intolérance conçue comme gouvernance, de la part de gens censés ne pas être là parce-que tout simplement étrangers à la terre arrosée de sang.
Ce vent d’Est soufflait très fort et très vite.
Les Ottomans en savent quelque chose, pour l’avoir entretenu, à travers les territoires européens. Les traces sont aussi visibles dans l’ex-Numidie, qu’en Europe : Budapest, Vienne, Istanbul qui fut Constantinople. Avec Napoléon et son mauvais imitateur Hitler, le vent d’Ouest prit, un temps, une ampleur dévastatrice, avant qu’il ne s’effiloche au profil du vent d’Est, le même qui déferla et hurla durant 14 siècles, dans les esprits des Imazighen.
Les séquelles sont très perceptibles, sur un immense territoire habité par eux : ils ont pris pour habitude de regarder, en permanence, vers l’Est, soucieux d’affronter de nouvelles invasions destructrices.
Pour les Kabyles, depuis le 16e siècle, ce fut une double attention : l’ennemi pouvait venir de l’Est et l’espoir, du Nord. Pour cette raison, ils émigrèrent dès la fin du 19e siècle en direction immédiate des côtes ou mieux, traversèrent la Mer méditerranée. Dans le premier cas, noyés dans la masse, ils finirent par prendre pour épouse une femme locale et dans ce cas précis, ils perdirent progressivement leur langue et leurs habitudes.
Dans le second cas et dès 1880, en France et plus tard en Europe, ils s’installèrent durablement, quand ils arrivent à vivre en famille regroupées.
C’est dire qu’à partir de cette réalité timide, le vent du Nord plaît beaucoup aux Kabyles. Il le restera encore dans un souci d’espace retrouvé et de liberté assumée.
A la limite, ils apprendront le français pour mieux intégrer la société d’accueil. En Kabylie, le comportement semble différent quand il s’agit de faire face à la fois au vent d’Est et celui de l’ouest, sur l’espace réduit du pays Algérie.
Le Kabyle a toujours été heureux quand il a fallu regarder vers le Nord : vers la mer et plus loin…
Ils adoptèrent le mode de vie européen et leurs yeux pourront croiser ceux de Stina, d’Édith Piaf, de Zidane ou d’Enrico Macias : ce descendant d’une famille Berbère de Tebessa. Quand ils s’expriment sur leur indépendance, les Kabyles confirment ce désir de vivre libres et autrement chez eux; de retrouver leur espace de vie, libéré de tout virus culturel environnemental; de reprendre et vivifier leurs traditions, leurs habitudes.
Le contraire les amènerait dans un lieu de résidence surveillée ou une caserne d’enfermement, aussi grande qu’une superficie de 2 millions de km2.
Les Kabyles en se libérant de toutes les tutelles coloniales avaient libéré leur voisin, qui par ingratitude est devenu gourmand, agressif, égoïste, arrogant : en un mot, un nouveau occupant, pour ignorer les valeurs ancestrales, tuer la langue Kabyle; diviser pour régner; salir pour se maintenir; imposer pour détourner; appauvrir pour exploiter.
Le vent du Nord finalement est plus fort que celui de l’Est ou de l’ouest immédiats.
Du haut du Djurdjura, le regard porte loin, aussi loin que celui des Iflissen marins, quand la grande bleue apportait le bonheur ou que la terre, les cimes enneigées mobilisaient les esprits des poètes, loin des tumultes urbains et de leur mélange douteux.
Les habitants étaient proches du ciel et des amours qui remplissaient le temps.
Citant les gens du Nord, Enrico Macias chantait le bleu des yeux, un bleu qui manquait au ciel. A Paris, Tzi Wezzu, Vgayet, Tubirett, Boumerdes, les Kabyles peuvent s’imprégner du bleu du ciel pour se rappeler le bleu de leur mer, la mémoire de leur mère et la parole de leur père.
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SIWEL 291830 Mar 17