PARIS(Siwel) —C’est aujourd’hui le 10 septembre que le nouveau roman de Karim Akouche sort en France. Après La Religion de ma mère et Allah au pays des enfants perdus, Karim Akouche continue, dans Déflagration des sens, à démontrer les scléroses de la société algérienne et à en gratter les plaies, dans son reconnaissable « style mitraillette » tonnant d’une plume belle et corrosive.
En voici le résumé :
L’Algérie bouillonne. Le peuple rumine sa colère. Pour étouffer toute révolte, les autorités arrosent les jeunes de l’argent du pétrole. Kamal Storah, alias Kâmal Sûtra, obtient, après une longue période de chômage, une subvention de l’État et achète un minibus. Quelques mois plus tard, c’est la désillusion : il n’y a plus de passagers. Kâmal décide de transformer son minibus en bordel ambulant. Dénoncé par les islamistes, traqué par la police, il fuit vers le Sahara…
D’une plume crûment réaliste, Karim Akouche use et abuse du droit au blasphème. Son roman, haut en couleur et en révolte, raconte une jeunesse frustrée et sans repères, dans une Algérie schizophrène, suspendue entre archaïsme et rêves de liberté.
Extrait 1:
« Si tu veux dominer un peuple, fais-lui oublier ses racines, déguise-le en pantin, fais-le tourner, amuse-le, parle-lui ensuite de mort et de châtiment. Si tu veux l’assimiler, dis-lui que sa langue est un idiome, sa culture du folklore, sa patrie l’univers. Si tu veux le faire disparaître, et si tu ne peux pas l’exterminer physiquement, colonise sa mémoire et emplis son Histoire de héros imaginaires… »
Extrait 2 :
« Regarde ce briquet, il a deux parties, le bas alimente le haut. C’est comme l’Algérie, c’est le Sud qui nourrit le Nord. Une fois le gaz consommé, comme ce putain de pays, le briquet ne sert plus à rien, même pas au recyclage. »
Extrait 3 :
« Le Système pourri, c’est toi, moi et tout ce peuple de soumis, camarade. Nous sommes le cœur du Système pourri, ses jambes pourries, ses bras pourris, ses yeux pourris. Nous le défendons sans cesse, nous sommes ses soldats, nous scandons ses slogans, nous mourons pour lui, nous sommes ses martyrs. C’est toujours ainsi, camarade, depuis les ténèbres du temps, on meurt et on ne se lasse pas de périr pour des sornettes, pour des chapelles, pour les crachats, pour la morve, pour le ridicule. On meurt pour les grades, pour les politiques, pour la masse, pour les chiffres, pour un bouquet de chrysanthèmes. Mourir bêtement, c’est mourir en patriote en chantant l’hymne du peuple à la gloire des caniches castrés… Mourir bêtement, c’est mourir en patriote en chantant l’hymne du peuple à la gloire des caniches castrés… »
Patricia Loison, journaliste à France Info TV, à Karim Akouche, 7 septembre 2020 :
« Déflagration des sens, un roman, une chronique où vous n’épargnez pas, bien au contraire, ni l’armée, ni le pouvoir, ni même le peuple algérien. Vous ne faites aucun quartier à ceux qui gouvernent l’Algérie, dans une prose très belle mais aussi parfois très crue. Votre narrateur dit tout ce qu’il pense. Il se lance dans une aventure iconoclaste. Il a obtenu un papier pour conduire un minibus, et il va en faire une sorte d’hôtel des plaisirs ambulant. Et il règle tous ses comptes avec tout ce qu’il pense du pouvoir. Mais vous êtes aussi très durs avec vos propres concitoyens en disant qu’il y a une sorte de fatalité, une sorte d’acceptation de la corruption et de la mainmise de ces généraux sur le pouvoir. »
Déflagration des sens, Karim Akouche, 208 pages, Éd. Écriture (L’Archipel), Paris, 10 septembre 2020.
Vidéo : Parution de Déflagration des sens, nouveau roman de Karim Akouche