KABYLIE (SIWEL) — Décidément ce hirak (en plus de son inefficacité à accoucher de quelque chose de positif), ne cesse de gangrener la société kabyle. À voir de plus prés, cela ressemble de plus en plus à une invasion culturelle de la Kabylie par slogans interposés. Cela s’est encore une nouvelle fois vérifié hier lors de la marche des étudiants de Vgayet, où dans plusieurs carrés, faisant fie de leur identité kabyle (amazighe), des slogans en arabes (Muxabarat irhabiya, curta istiɛmariya) furent repris. Le cas nous semble d’une gravité réelle, puisque cette fois-ci ce n’est plus la grande foule qui gronde ainsi dans une langue qui n’est pas la sienne, mais ce qui devrait être l’élite (la crème de la société) en l’occurrence des universitaires.
Ainsi depuis ce fameux 22 février 2019, par touche successive, les acteurs de l’ombre n’ont cessé à tout moment d’infiltrer d’une manière insidieuse cette Kabylie. Cela s’est fait par étapes. Tout au départ on voyait, ici et là, en dehors de la Kabylie (Mostaganem, Oran, Annaba….) des petits groupes bondissants l’étendard amazigh, ailleurs des voix qui crient nous sommes les fils d’Amirouche… il n’en fallait pas plus pour que la naïveté légendaire des Kabyles tombe dans le piège. Du jour au lendemain et comme une contagion, les slogans en arabe ont envahi les manifestations du vendredi et du mardi aussi bien à Tizi Wezzu, Vgayet ou Tuviret. Exit les légendaires chants de révolte qui ont accompagné les marches qu’organisait le MCB, le FFS ou le RCD durant les années 80/90 et durant le printemps noir. Oubliés les fameux refrains (tizi n wass-a, ǧǧet-aɣ abrid a nɛeddi, yeǧǧad lɛeh aɛmuruc, ulac smaḥ….) qui ont donné un sens à des décennies de luttes pour notre dignité, notre culture et notre droit de vivre sur notre sol librement. Matoub Lounes, Mohand Ouharoun, Mouloud Mammeri….doivent se retourner dans leurs tombes face à cette dérive inconsciente, mais bien programmée par ceux qui savent tirer les marrons du feu. Ce surréalisme, d’un genre nouveau, est tellement absurde qu’il fait dire à beaucoup de militants conscients des enjeux en cours : « tettum tagmet, tehnunfem ɣer xaw-xawa. »
Cependant si comme le dit l’adage la foule ne raisonne pas (elle résonne c’est tout), ce dicton ne peut s’appliquer sur la mystification qui a lieu devant nos yeux. Pour s’en rendre compte, il suffit de suivre la sortie des politiques locaux pour balayer d’un revers de main l’argument de ceux qui disent que ces slogans sont repris juste machinalement sans aucune orchestration quelconque. En effet depuis le début de ce hirak même les simples militants des partis politiques ayant encrage en Kabylie, ne communiquent plus entre eux que dans la langue arabe (cela se constate dans leurs publications sur les réseaux sociaux, par exemple la majorité des photos et des vidéos des manifestations sont légendées dans la langue arabe). Partant où est le hasard dans tout cela ?
La sonnette d’alarme doit être tirée, car face à cet avenir indécis et incertain, le laisser faire peut se révéler fatal. Ce que nos prédécesseurs ont tenté de sauver vaille que vaille et au prix de moult sacrifices, nous n’avons pas le droit de l’abandonner ou de lui tourner le dos sous un prétexte quelconque. Il fut un temps (récent d’ailleurs) où les seules luttes contre le despotisme, l’arbitraire sous toutes ses formes, se faisaient en Kabylie et dans la langue kabyle, partant c’est aux autres d’appendre auprès de la Kabylie comment mener une lutte pas le contraire. Il nous revient de nous ressaisir et de constater qu’à force de faire des concessions pour plaire aux autres, on perd chaque jour un peu plus de notre âme. Le prix que réclame cette démocratie ou cet état de droit que miroite ce hirak est dès lors très fort (au-delà de notre entendement) tant il ne demande ni plus ni moins que notre disparition en tant que peuple.
H@S
SIWEL 031540 MAR 21