KABYLIE (SIWEL) — Depuis les invasions romaines, il y eut deux catégories d’Imazighen, et plus tard des Kabyles aussi: ceux qui résistent et ceux qui s’allient à l’envahisseur. Tout est documenté. Les premiers se battent, perdent et laissent tout pour aller rebâtir leurs habitations et villages ailleurs, recréant la vie et repartant de zéro, affrontant les hivers rudes, la famine et la fatigue physique et morale. C’est là le sens de l’expression « a nerrez wala a neknu » (oui, vous pouvez nous casser mais nous ne plierons pas).
Le film « La Montagne de Baya » est une illustration de ces souffrances. L’épisode du Village At Lqayed, commune d’Agouni Gueghrane, est encore présent dans la mémoire collective. À l’arrivée des Turcs, les At Lqayed habitaient un village qui s’appelaient Vu Ryac. Au début du 16ème siècle, lorsque les Turcs ont consolidé leur pouvoir, ils ont installé des officiers (bachagha, agha, lqayed, etc.) pour réclamer l’impôt (une partie des récoltes) aux villageois kabyles. Cet impôt est ensuite vendu par le Dey aux Occidentaux dont il partageait ensuite la rente avec le Sultant, rémunère les soldats et les officiers, les fonctionnaires tout en gardant une bonne partie pour lui. Ni investissement, ni route, ni écoles, ni rien: un État racketeur et voyou, un peu comme aujourd’hui. À l’arrivée des Français, ils ont trouvé toutes sortes de bijoux et d’artefacts de luxe dans une grande pièce dans la maison du Dey…
Pour revenir aux At Lqayed, il y eut une saison où la récolte était mauvaise et ils refusèrent de donner une partie de leur récolte à la petite armée turque, chargée de transporter les denrées et guidée par Lqayed de l’époque. Lamine du village de Vu Ryac expliqua à Lqayed que la récolte cette année-là ne fut pas bonne et les villageois risqueraient de mourir de faim et que c’était pour cela qu’ils refusaient de céder une partie de leur récolte. Lqayed malmena Lamine du village et il s’en suivit une bataille entre les habitants de Vu Ryac et la petite armée turque qu’ils ont décimée. Alerté, l’Agha du Bordj de Tizi Wezzu envoya du renfort avec comme instruction tout brûler (c’était la tactique des Turcs, revoyez la Montagne de Baya).
Devant un tel désastre et vaincus, les habitants de Vu Ryac se sont exilés de cet endroit pour aller se réfugier dans un endroit lointain, inaccessible aux Turcs, situé entre les At Vuvadu (à l’ouest) et Agwni Ggeghran (à l’est). Depuis ce jour là, les villages avoisinants appellent ce village « At Lqayed » sachant que pour nous un crime reste toujours un tabou, donc on ne pouvait les désigner par « ceux ayant tué Lqayed ».
Comme tous les villages kabyles, At Lqayed ont continué à souffrir le martyr. Aujourd’hui, tout le monde est rattrapé par l’arabo-islamisme déterminé à effacer l’HIstoire de ces peuples vaillants.
Allons-nous oublier toutes ces souffrances de nos ancêtres pour laisser la Kabylie, dernier bastion de Tamazgha, se faire assimiler par l’arabo-islamisme ?
Aujourd’hui, le village des At Lqayed se meurt et il reste peut-être une ou deux maisons habitées, le reste est en état de délabrement total…
P.S. En photos, taddart n At Lqayed
Karim Achab
SIWEL 181330 FEV 21