CHRONIQUE (SIWEL) — C’est un enfant de l’historique Wilaya III qui s’adresse à vous pour vous dire que vos dérapages rhétoriques ne nous font ni chaud ni froid. Vous avez osé dire que nous autres Kabyles sommes des enfants de harkis, des enfants de la France. Quel culot ! Nous savons, depuis fort longtemps, qu’il est impossible d’humilier quelqu’un qui n’a pas honte, mais comme la honte, l’indignité, le déshonneur font partie de votre culture d’algérien, rien ne peut plus nous choquer, venant des descendants des traîtres Messali, l’émir Abdelkader, le bachagha Boualem et consorts que vous avez élevés au rang de « pères de la nation » algérienne (sic).
Quelque part, vous nous rendez un service inestimable. Vous étalez au grand jour votre haine du Kabyle qui vous a débarrassés du colonialisme français pour le remplacer par le votre.
Vous avez au moins le mérite de la franchise et le courage d’assumer l’apartheid anti-Kabyles qui date depuis la nuit des temps ; puis de prouver à vos congénères que ce qu’ils pensent tout bas, vous le dites et vous l’assumer tout haut !
Profitez d’embarquer, dans votre confusion mentale, tous ces Kabyles qui ignorent tout de l’héroïsme de leurs aînés.
Savez-vous, M. le Président, ce qui s’est passé chez « les enfants de la France, enfants de harkis », entre le 22 juillet 1959 et le 4 avril 1960 ? Je doute que ces dates ne vous disent quelque chose. Connaissez-vous un certain monstrueux personnage du nom du général Challes qui nous avait calcinés au napalm ? Je me le demande fort bien…
Convaincu que l’un de vos conseillers lira cet exprimé, et qu’il vous en fera peut-être part ; l’enfant de la Wilaya III qui s’adresse à vous, n’a aucunement l’intention de laisser passer ces glissades verbales auxquelles nous avons été habitués depuis plus d’un demi siècle par vos semblables.
Votre insolence, vos invectives, vos injures, votre offense, vos insultes, d’une gravité astronomique à l’adresse des enfants, petits enfants, de ceux qui vous ont permis d’y être là où vous êtes, n’ont d’autre raison que dans l’abomination, l’acharnement et l’aigreur que vous et vos comparses ont du Kabyle qui refuse de se soumettre à votre bonne volonté.
Si, un temps soit peu, vous connaissiez le sens de l’avilissement, de la flétrissure, de la honte, ainsi de suite, vous auriez longuement réfléchi avant de confondre la bravoure et le déshonneur !!!
Rassurez-vous, M. le premier magistrat, la Kabylie ne vous en voudra jamais, parce qu’elle connaît son histoire et celle de ses voisins ; lesquels dans leur écrasante majorité nous reprochaient de faire la guerre au colonialisme français. Avez-vous oubliée cette célèbre formule, (Wac bihum Leqbayel mεa Fṛansa) ? ( Mais, qu’est-ce qu’ils ont ces Kabyles avec la France) ? Formule qui avait fait le buzz en son temps.
Vous avez raison de nous rabaisser, de nous discréditer, de nous déconsidérer, puisqu’une bonne partie de Kabyles, honte à eux, qui sont inféodés à votre idéologie moyenâgeuse, continuent de s’avilir, de s’humilier, de s’inférioriser sans gêne, acceptant avec bonheur leur assujettissement. Ils s’apprêtent même à vous ovationner à l’occasion.
Il est tout à fait évident que vous ignoriez la glorieuse histoire de la Wilaya III, et sa prépondérance sur les cinq autres, qui étaient, elles aussi, télécommandées par les aînés des « enfants de harkis et de la France ».
La récompense, la reconnaissance, la gratification, que nous attendions depuis 1962, ont été des séries d’assassinats, de cruautés, d’horreurs, d’atrocités, à l’endroit des descendants de ceux qui se sont sacrifiés pour permettre aux planqués des frontières de vivre royalement, de la façon la plus abominable, la plus épouvantable, la plus démoniaque !!!
Sachez, M. le Président, que l’ordre des choses n’a jamais été respecté à ce jour, ni par vous, ni par vos prédécesseurs, encore moins par vos progénitures, que vous avez privées de l’illustre et brillante histoire, de la Kabylie, durant la guerre de libération ; que vous auriez dû enseigner dans votre indicible école, qui a été plus consacrée à l’innommable, et à l’anéantissement de l’esprit responsable. Le résultat, de l’éducation administrée au citoyen, pour ne pas dire au sujet, parle de lui-même.
À présent, je vous suggère de demander à l’un de vos bons conseillers de vous donner un petit cours d’histoire sur (l’opération jumelles) qui s’est déroulée, probablement à votre insu ou à l’insu de votre plein gré, du 22 juillet 1959 au 4 avril 1960. Je vous passe le reste des autres années de la guerre.
M. le premier magistrat, sachez que l’enfant que j’étais, qui allait sur ses 6 ans, se rappelle des cadavres de maquisards kabyles sur lesquels il avait marché. C’était pendant cette période où même nos poux et nos puces avaient cramé. C’était aussi la période anéantissante où je venais d’apprendre la mort de mon cher père, qui avait abandonnés deux commerces en France pour rejoindre ses braves compagnons dans le maquis kabyle. Pour votre gouverne, mon père avait abattus quatorze soldats français avant qu’il ne soit tué. À ce jour je n’arrive toujours pas à trouver l’endroit de sa mort, pour que je puisse lui consacrer ne serait-ce qu’une stèle.
Continuez à donner des leçons de patriotisme aux descendants des héros qui vous ont sortis des griffes du colonialisme français ; bombez vos torses avec votre nationalisme débridé !
Nous vous rassurons que le sang kabyle ne partira pas en pertes et profits.
Nos trois mille ans de résistance à toutes les invasions sont là pour vous rappeler que nous ne sommes pas un peuple qui se soumet, qui abdique, qui capitule.
Quitte à être victime de votre férocité, ma vie ne vaut pas un clou rouillé devant celles des braves qui nous ont précédés.
À présent, je vais revenir sur un sujet qui tient à coeur tout Kabyle qui se respecte, à savoir, l’autodétermination du peuple kabyle.
Il est, plus que jamais, temps de prendre au sérieux notre volonté de recouvrer notre souveraineté perdue en 1857 par l’aberration du colonialisme français qui nous avait annexés à cette Algérie qu’il venait de créer huit ans auparavant.
Puisque nous sommes des pestiférés aux yeux des Algériens, pourquoi continuer à coexister dans le désamour, l’apathie, la désinvolture ?
Puisque vous êtes si certains que nous allons crever de faim, pourquoi persistez-vous à nous maintenir sous votre tutelle, dès lors que vous nous vouez une détestation inavouable ?
Puisque nous sommes des pesteux, des galeux, et vous le dites de vive voix, pourquoi vous vous obstinez à ce que nous continuons à cohabiter dans la dissonance, la brouille, le dissentiment ? Et l’on peut continuer comme cela à longueur de lignes.
Nous pensons, sérieusement, que nous sommes à la croisée des chemins, et qu’il est grand temps de nous mettre à la table des négociations pour mettre un terme aux équivoques, aux frictions, aux complications qui portent préjudice aux deux pays, à savoir la Kabylie et l’Algérie. Soyons responsables et ouvrons un dialogue fructueux qui satisfasse les deux parties.
C’est à travers un conciliabule équitable que nous arriverons à acter notre divorce, sans haine, sans violence.
Après ce qui vient de se dérouler en Kabylie, suite à vos « élections », vous comprendrez bien que nous sommes deux peuples distincts, qui sont appelés à mieux se respecter en se séparant !
L’entêtement, l’obstination, la persévérance dans l’indicible n’ont jamais été de bons conseillers. Prenons notre courage à deux mains ; séparons-nous en bonne intelligence, dans l’intérêt de vos générations et de nos générations futures.
Quoi qu’il en soit, nous sommes appelés à avoir des relations diplomatiques et politiques privilégiées. Nous tenons à rester dans le cadre de la légalité, du raisonnable, et nous vous demandons d’en faire autant. N’oubliez pas que votre pays a ratifiés le droit international et les conventions de l’ONU qui stipulent dans le chapitre III, article 30.01 que tout peuple autochtone a droit à son autodétermination. Même l’article 30 de votre constitution consacre ce droit. Respectez tout simplement vos engagements !!!
Nous sommes, pour notre part, convaincus que le désaccouplement Algérie Kabylie ne fera que du gagnant gagnant.
Ayez, enfin, l’audace de raisonner et d’échanger avec nous pour cultiver une meilleure entente dans le cadre de deux nations appelées à se respecter et à VIVRE ENSEMBLE SÉPARÉMENT !!!
Il est grand temps de passer aux négociations sérieuses, constructives et bienveillantes.
L’indépendance de la Kabylie sera, pour vous et pour nous, UN TRÈS GRAND SOULAGEMENT.
Merci, de votre attention, Monsieur le Président.
A.T. le 15/12/2019
SIWEL 172000 DEC 19