La révélation : le secret que Ferhat ne voulait pas qu’on dévoile. Par Olivier Graïne
Je m’apprête ici à faire une révélation sur Ferhat Mehenni, preuves à l’appui.
Après moult réflexions, je ne peux plus taire cela, et ne le fais qu’au service de la vérité, car les Kabyles et les Algériens doivent savoir.
Je précise d’emblée que ces informations, je les livre sans contraintes et que je n’ai signé aucun document au Consulat d’Algérie de Paris ou d’ailleurs ; elles ne relèvent ni de la diffamation, ni d’une manipulation, mais de faits avérés.
Je ne fais cela pour le compte de personne et ne suis téléguidé que par le devoir de vérité. Ce que je dis ici est uniquement la vérité, et vous pourrez bientôt le vérifier par vous-même.
Ferhat Mehenni, c’est un nom qui divise, un visage qui fascine et qui dérange.
On l’accuse de mille choses : de trahison envers l’Algérie, d’avoir pactisé avec ses ennemis, d’être tombé sous l’influence d’intérêts étrangers.
Certains médias, des opposants et des commentateurs politiques l’accusent ouvertement d’avoir été instrumentalisé par des forces extérieures : israéliennes, marocaines… et d’avoir reçu leur soutien financier.
On l’a même soupçonné, dans la fureur des incendies meurtriers de 2021 en Kabylie, d’en être le commanditaire.
Des accusations graves, jamais prouvées, mais suffisamment lourdes pour ternir à jamais son image publique. Ne sont rien devant ce que je vais révéler.
Aux yeux de beaucoup, il n’est plus qu’un symbole dévoyé, un homme qui aurait trahi sa patrie au nom d’une cause perdue.
Un traître au combat de son propre père, mort pour que vive l’Algérie indépendante.
Ancien chanteur engagé, fondateur du groupe Imazighen Imula, Ferhat s’est vécu porte-voix d’un peuple nié.
De la scène au pupitre, de la chanson à la proclamation, il devient président d’un « gouvernement provisoire kabyle » en exil : chef d’un État sans territoire, mais avec drapeau, hymne et blason.
Tout cela a des airs d’opérette politique.
Le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), né en Kabylie au lendemain du massacre de centaines de jeunes Kabyles (entre morts et infirmes à vie) avant de s’installer en France, avait soulevé l’enthousiasme : promesse d’autonomie, reconquête d’une dignité.
Mais les années ont érodé la ferveur.
Défections, divisions, querelles internes et très vite, le coupable est trouvé : Ferhat lui-même : « autoritaire », « égocentrique », « mégalomane », « en quête de lumière », « grotesque ».
Il ne lui manque plus qu’un buste géant, dressé quelque part dans les montagnes kabyles, une rock-cut sculpture, comme au Mount Rushmore aux États-Unis, ce monument sculpté à même la montagne où quatre présidents américains fixent l’horizon en granit. Mais sur les flancs du Djurdjura, celui de Ferhat trônera seul !
Torse bombé, regard d’aigle dirigé vers un horizon qu’il serait seul à voir.
Et l’on sourit : il y a chez Ferhat Mehenni quelque chose du chef antique, du tribun et du poète, un mélange d’histoire et de cabotinage.
Seul écueil : à force de le désigner comme traître, on en oublie peut-être la trahison première : celle d’un État envers son propre peuple.
Car c’est bien l’Algérie, aujourd’hui, qui trahit la promesse de sa propre indépendance.
Un pays qui, en prétendant s’être libéré, s’est bâti une prison à ciel ouvert, intériorisée.
La peur y a remplacé la loi, elle règne avec uniforme et décret.
Dans les cafés, dans les taxis, sur les réseaux sociaux avant de poster une phrase sur Facebook, on relit dix fois, on efface, on hésite, on se tait.
Dans la rue, on baisse la voix dès qu’il s’agit du pouvoir.
Un voisin, un collègue, un cousin peut être une oreille de plus.
La méfiance est devenue réflexe national.
Ceux qui vivent à l’étranger n’osent plus rentrer, de peur de ne plus en ressortir, à moins de faire allégeance au régime et de trahir leur propre serment.
Ceux qui y sont, craignent de ne plus pouvoir en partir et voir leur passeport soudain devenir des Impasse-Ports et leurs noms s’allonger sur une liste de mésentente.
Les vrais journalistes, eux, se taisent ou disparaissent.
Certains sont emprisonnés pour un mot, un geste, une opinion.
Les artistes, les intellectuels, les étudiants eux-mêmes vivent sous surveillance diffuse, sous cette chape molle qu’on appelle « la stabilité ».
On ne tue plus seulement les hommes : on tue le courage.
Et l’on ose encore parler de trahison ?
Mais qui trahit qui ?
Le vrai crime, c’est de réduire au silence tout un peuple pour quelques phrases d’honnêteté.
Ferhat, au fond, n’est que le révélateur d’un régime-pays malade de son propre orgueil, un régime hégémonique.
Un pays qui s’effondre sous la peur, mais continue de crier victoire au nom d’une indépendance qu’il n’a jamais su habiter ni construire.
Mais qu’est-ce que la mégalomanie, sinon la foi obstinée d’un homme à qui l’on refuse toute légitimité ?
Et qui, sinon les dirigeants d’Alger, incarnent la véritable folie des grandeurs ?
Ceux-là gouvernent sans aucune légitimité un pays immense avec des idées minuscules, entourés de portraits géants, de discours creux, et de dévotions à la gloire d’un passé qu’ils n’ont pas vécu mais qui carbure encore à la mémoire de la guerre d’indépendance.
Elle s’y accroche comme à un totem, incapable d’inventer un avenir rêvé par ses enfants qui fuient le pays comme on fuit la peste.
Le pays s’est figé dans une martyrologie d’État, une religion séculière où le sacrifice suprême devient exclusivement instrument de pouvoir.
Saint Pierre, dans les premiers siècles, voyait dans le martyria le témoignage d’une foi vivante, un acte d’amour suprême.
En Algérie, ce sens s’est inversé : le martyre a cessé d’être un don pour devenir un outil.
Les chouhadas ont été sacralisés à outrance ; leur mémoire, confisquée.
Le sang versé est devenu le carburant de tous les excès du régime.
Et même pour s’y opposer, il faut encore prendre les armes de la mythologie :
C’est ainsi que Kateb Yacine appelait Ferhat Mehenni « le maquisard de la chanson ».
Car dans les années 1970, il a pris le maquis par la musique : il a inventé, seul, une forme d’insoumission mélodique.
Il chantait que ceux qui sont morts l’ont été pour la dignité, pour la terre, pour la liberté, pas pour Dieu.
Ceux qui meurent pour Dieu, ce sont les fanatiques islamistes qui se font exploser pour fuir l’enfer qu’ils créent eux-mêmes sur Terre.
Mais tout cela, c’était avant le grand basculement.
LA RÉVÉLATION
Ferhat Mehenni n’est pas seulement un traître au service d’Israël et du Makhzen, comme l’ont prouvé l’inspecteur Tahar et son apprenti, il est aussi compositeur. Je vous le jure !
Il a créé une œuvre symphonique inédite, entièrement fondée sur l’esthétique et l’âme de la musique kabyle.
Des centaines de thèmes, orchestrés selon la rigueur de la musique classique, qu’il s’apprête à rendre publics sur les plateformes dédiées, et je le sais !
La Kabylie n’a jamais eu de musique symphonique à elle : il l’invente aujourd’hui.
Il lui donne sa musique.
Et c’est là, peut-être, le vrai buste qu’il nous lègue : non pas de bronze ni de granit, mais de sons et d’harmonies.
Ce buste, cette grandeur, est en nous.
Ferhat veut la réveiller. Celle-là même dont on nous prive pour mieux nous dominer, pour nous faire croire que nous ne sommes rien, que nous sommes des nains, dixit un nabot disparu.
Voilà pourquoi il semble audacieux, excentrique, voire « mégalomane » : il nous montre qu’il est possible de vouloir quelque chose de grand.
Il nous rappelle que la Kabylie — notre kabylité — n’est pas perdue, et que la grandeur n’est pas cette statue, mais un élan intérieur qu’il nous appartient d’extérioriser.
Cette Kabylie, justement, a payé un tribut immense à la colonisation française.
Benjamin Stora le rappelle : la grande insurrection kabyle de 1871, menée en même temps que la Commune de Paris, fut l’un des soulèvements les plus héroïques et les plus réprimés du XIXᵉ siècle.
Une révolte écrasée, une mémoire jamais effacée et c’est dans ce sillage que Ferhat a surgi.
Celui qu’on appelle « mégalomane » ne fait peut-être que nommer la fracture que tout le monde tait.
Il rappelle que la liberté n’est pas une faveur mais un droit, que la Kabylie n’est pas une province folklorique mais une mémoire vivante qui se projette.
On fait mine de rire de lui, mais pas de ce qu’il dit.
On le ridiculise pour ne pas avoir à l’écouter, et quand on l’écoute, ce n’est que pour y voir de la traîtrise.
Et pourtant, ce qu’il porte n’est pas un caprice individuel : c’est la nostalgie d’une grandeur perdue. Elle n’est pas dans les bustes ni dans les drapeaux, mais dans la conscience d’exister librement.
Elle est ce que le pouvoir cherche à nous arracher pour mieux nous dominer : la conviction que nous valons quelque chose, que nous pouvons vouloir quelque chose.
L’Algérie est immense, mais dirigée par de petites idées et c’est parce que tout semble perdu qu’un homme seul croit encore possible de se tenir debout.
Camus, enfant de la même lumière, l’avait prévenu :
« Les hommes ne sont convaincus de vos raisons, de votre sincérité, et de la gravité de vos peines, que par votre mort. Tant que vous êtes en vie, votre cas est douteux, vous n’avez droit qu’à leur scepticisme. » – Albert Camus, La Chute (1956) –
Tant qu’il parle, on le soupçonne !
Mais quand sa voix se taira, nous comprendrons sans l’ombre d’un doute que ce buste géant dont on se moquait n’était pas une statue à sa gloire, mais un miroir dressé devant nous.
Un buste de granit intérieur, cette grandeur qu’il voulait réveiller et qu’on nous a appris à ne plus sentir.
Restez à l’écoute, la musique symphonique kabyle arrive prochainement sur les plates-formes en ligne !
Olivier Graïne
http://graine-sculpteur.net
SIWEL 042130 NOV 25

