L’Été noir 2021
Nous sommes le 09 Août 2021 en Kabylie. Il est exactement 1h du matin. Dans 45 minutes, la vie des kabyles va basculer dans l’horreur mais ils ne le savent pas encore. La majorité d’entre eux ne dort pas, il fait encore trop chaud pour trouver le sommeil. Certains bercent leur douleur, ayant perdu des proches happés par la covid 19. Les hôpitaux sont vétustes et manquent de moyens pour faire face à la pandémie. La canicule annoncée pour les jours à venir suscite de grandes inquiétudes.
A la tristesse et l’inquiétude, s’ajoute la colère en apprenant que l’État colonial d’Alger refuse de livrer son quota de générateurs d’oxygène à la Kabylie. Pire encore, il a bloqué ceux envoyés par la diaspora kabyle depuis l’Europe. On dira plus tard que ce sont ces générateurs et autres aides médicales envoyés pour la Kabylie que l’Algérie a offert à la Tunisie. Ce qui est sûr, c’est que ces aides ne sont jamais parvenues aux hôpitaux kabyles.
Des voix s’élèvent pour dénoncer la négligence criminelle d’Alger, d’autres pour l’accuser de non assistance à peuple en danger. Pour le gouvernement kabyle en exil, l’État algérien est non seulement coupable de non assistance mais a sciemment favorisé les contaminations, sinon pourquoi aurait-il autorisé les marches du Hirak algérien uniquement en Kabylie, alors que sévit depuis deux mois la pandémie ?
Et pourquoi a-t-il décidé d’interdire les confinements décrétés par les comités de villages ? Est-ce l’occasion rêvée par Alger pour exterminer les kabyles en instrumentalisant la pandémie ?
Au coeur de l’effroi
ll est maintenant 1h45 du matin, quelques brises caressent tendrement les collines pour offrir cet air frais si rare et si précieux aux habitants. Fatigués par tant de chaleur, ils se laissent volontairement emporter par le sommeil. C’est à ce moment là que se déclenchent simultanément 58 départs de feux qui vont ravager la Kabylie et faire plus de 500 morts et près d’un millier de brûlés à divers degrés.
Dans la journée de ce 9 Août 2021, cinq incendies se sont déclarés. Les témoins rapportent, vidéos à l’appui, que les hélicoptères de l’armée algérienne survolant ces feux ont déversé un liquide qu’on pensait être de l’eau au début et qui provoquent de gigantesques flammes après leur passage. Certains affirment que c’est du kérosène qui a été largué. Les pompiers kabyles et les citoyens se sont mobilisés et ont réussi à les circonscrire après de grands efforts.
Mais les feux de cette nuit-là sont différents, c’est du jamais vu dira cette vieille dame d’Ikhlidjen des At Yiraten. Au-delà de la synchronicité des départs de feux, c’est les espacements réguliers des points de départs, l’intensité des flammes et la vitesse de leurs propagations qui a surpris et choqué à la fois tous les témoins. Plusieurs villages sont très vite encerclés par les flammes et noyés dans l’épaisse fumée.
Au village Ikhlidjen qui a enregistré le plus grand nombre de victimes, l’alerte est donnée en voyant le feu géant avaler le versant des At Yanni en face d’eux. Les gens courent dans tous les sens. Certains se préparent à faire face aux flammes et d’autres pour évacuer les plus fragiles vers la ville.
Beaucoup d’entre eux ont décidé de quitter le village cette nuit-là, d’autres ont décidé de rester pour sauver le village. Le feu semble se diriger de l’autre côté, ce qui les a quelque peu soulagés et ce qui a poussé beaucoup de ceux qui sont partis à revenir le matin suivant.
Vers 11h30, le feu commence à lécher le versant sur lequel est bâti le village, c’est la panique générale. Très vite cernés de tous les côtés, il ne reste que la route goudronnée pour fuir. Une quarantaine de personnes montent dans la benne d’un camion qui propose de les évacuer, d’autres partent dans leurs voitures. Un peu plus loin les flammes et la fumée leur barre la route, ils descendent tous pour emprunter le sentier qui mène à la salle des fête plus haut. C’est là que la majorité d’entre eux ont péri. Parmi ceux qui sont restés sur la route, certains ont pu survivre, gravement blessés mais vivants. On déplore 24 morts et 70 blessés dont 5 au 3ème degré pour ce petit village de 158 habitants.
Quand le feu est passé, les villageois découvrent l’horreur. Nacer Ighmurasen a perdu 7 membres de sa famille, il a lui-même passé 40 jours à l’hôpital. Il refuse à ce jour de se rendre au cimetière où sont entérré sa femme et ses enfants. Ces images hantent les survivants. Ce jeune venu d’un autre village pour aider raconte : « quand je suis arrivé, j’ai vu un bébé de deux mois au milieu de la ruelle complètement carbonisé et le corps de sa mère gisait au seuil de la porte de leur maison brûlée. Elle a dû le pousser dehors pour l’éloigner du danger, mais il n’a pas eu cette chance. Cette image hante mes nuits.»
Le même scénario se déroule dans tous les coins de la Kabylie. Ces feux ravageurs durent plusieurs jours et l’État algérien ne mobilise aucun moyen exceptionnel, seuls les pompiers kabyles et les citoyens tentent en vain de lutter contre les flammes. Plusieurs pays européens proposent leurs aides et leur Canadair mais l’Algérie la refuse. La France a, malgré le refus d’Alger, envoyé les pompiers de Marseille et deux Canadair.
Ce refus des aides étrangères n’est pas anodin. Alger ne voulait pas qu’on découvre les capsules incendiaires, les traces blanchatres du phosphore blanc, la présence d’accélérants tel que le kirosène et d’autres substances. Les citoyens kabyles ont récupéré les preuves et les ont montrées dans des vidéos où l’on voit aussi des arbres brûler par la cime, ce qui prouve que ces produits sont largués par des drones ou par des aéronefs. Cela leur a valu d’être emprisonnés.
En 2023, la même opération a été orchestrée et exécutée. La cible cette fois était la Kabylie maritime. Les capsules incendiaires et le phosphore blanc ont été largué à partir de la mer. Des jeunes les ont trouvé sur la plage et montré dans des vidéo où on les voit brûler sur les galets et même en contact de l’eau ça ne s’éteint pas. Une quarantaine de personnes ont trouvé la mort dans ces feux. Des jeunes kabyles innocents sont encore une fois accusés. La télévision publique algérienne montre des gendarmes qui exhibent des assiettes jetables en plastique, laissées autour d’un feu qui a dû servir à une soirée sauf qu’elles sont toutes neuves et ne portent aucune trace ni de suie, ni de nourriture d’ailleurs.
Plainte pour génocide
le 11 août 2021, le président du Gouvernement Kabyle en exil (Anavad), mas Ferhat Mehenni, dépose plainte à la cours pénale internationale à travers l’avocat Gérald Pandelon pour : « organisation et mise en oeuvre d’un génocide kabyle exécuté par des moyens inédits. Ils consistent en l’instrumentalisation de la pandémie de la Covid et des incendies meurtriers à des fins d’extermination ethnique. » Cette plainte a été rendue publique lors de la conférence de presse tenue à Paris le 24 septembre 2021.
C’est la première fois que la Kabylie désigne les assauts meurtriers d’Alger par le terme génocide. Ce terme est créé en 1944 par un juriste américain d’origine polonaise, Raphaël Lemkin.
Il désigne la perpétration d’un crime de masse qui a pour intention de détruire un groupe humain en totalité ou en partie, au nom de critères nationaux, ethniques, raciaux, religieux ou sociaux.
Si les kabyles n’ont jamais désigné les massacres de 498 kabyles en 1963, la féroce répression de 1980 et 1981, le massacre de 128 jeunes en 2001 par les gendarmes algériens avec des balles explosives, interdites même en cas de guerre, jusqu’à celui de plus de 500 kabyles en 2021 par le feu, c’est parce qu’il s’agit d’un processus génocidaire étalé dans le temps.
Mounir Chamoun, psychanalyste libanais l’explique : « La stratégie d’étalement dans le temps pourrait consister à disperser les actes de violence, à limiter leur visibilité immédiate, ou à utiliser des phases de calme relatif pour masquer l’intention génocidaire, tout en poursuivant discrètement la destruction. Réduire la visibilité des massacres, en les intégrant dans des processus plus longs et moins apparents fait partie d’une stratégie pour dissimuler un génocide. »
En parallèle de ces massacres qui reviennent de façon régulière, chaque 20 ans, il y un ethnocide ouvertement assumé par l’État algérien et exécuté par toutes ses institutions. Arabisation forcé, islamisation, persécution, intimidation, harcèlement, dévalorisation des coutumes, de l’identité et de la culture kabyle, implantation des population arabes dans les villes kabyles, falsification de l’histoire, interdiction de livres et de conférences qui portent sur la Kabylie, emprisonnements, tortures et chantage.
Mounir Chamoun nous dit: « Nous touchons ici du doigt le problème des cultures dominantes qui finissent par absorber les cultures locales ou particulières, enlevant par là au citoyen-sujet qui nous intéresse, les assises mêmes de sa personnalité et de sa vie psychique intime. Pour moi, l’ethnocide est une guerre pernicieuse, aussi meurtrière, sinon davantage, que les guerres armées, destructrices des vies et des biens; c’est bien de destruction psychique dont il est question, justifiée par l’impératif de la domination culturelle. »
Tous les observateurs ont vu dans l’ampleur et les grands moyens utilisés que ces feux sont l’œuvre de l’État algérien. Quand on regarde bien, tout a été planifié des années auparavant.
Les prémices et la réthorique du génocide
Le dépôt à l’ONU du mémorandum pour le droit de la Kabylie à son autodétermination en 2017 et les marches gigantesques pour l’indépendance de la Kabylie que ce soit dans les trois capitales kabyles, Tuvirett, Vgayet et Tizi Wezu ou dans les grandes villes du monde tel que Paris, Montréal et New york ont provoqué une immense panique chez les dirigeants algériens. Le zéro vote kabyle de toutes les élections algériennes qu’elle soit législatives, présidentielles ou pour la constitution, constitue en soi un référendum en faveur de l’indépendance de la Kabylie.
Alger devait trouver le moyen de contrer le mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie et d’éradiquer cette mouvance devenue une véritable puissance malgré son caractère pacifique. La propagande, la diabolisation, l’instrumentalisation de l’histoire, le harcèlement, le chantage et les arrestations n’ont pas eu de poids devant ce vent de libération. Il fallait une solution radicale.
Commencent alors les sorties de personnalités algériennes qui menacent de destruction la Kabylie. Les kabyles sont traités des zouaves, des traîtres, des agents du Maroc et d’Israël. Ils sont traités de juifs, quand on sait la haine des juifs cultivée par le régime d’Alger, on sait que le pire est à venir.
C’est dans cette ambiance de haine envers la Kabylie qu’un conclave est tenu du 18 au 20 Août 2019 à Mostaganem, sous la protection des gendarmes algériens pour initier L’opération «Zéro kabyle» qui n’est rien d’autre qu’une opération d’extermination, un génocide.
C’est aussi l’année du Hirak algérien qui va vite être instrumentalisé pour s’attaquer à la Kabylie qui aspire à sa souveraineté. Si ce mouvement réclamait un changement, il sacralise l’unité nationale et s’en prend violemment aux indépendantistes kabyles qu’il traite de séparatistes et de traîtres à la solde d’Israël. Il demande la tête du président Ferhat Mehenni qu’il qualifiait déjà de chef terroriste alors qu’aucun acte délictueux n’a été commis. Ce n’est là en vérité qu’un prélude au plan que projetait les services algériens.
Le 28 novembre 2019, un étudiant kabyle, Walid Nekkiche, est arrêté à Alger et accusé de préparer un attentat contre les marches du Hirak. A son procès le détenu avoue avoir été torturé et violé lors des interrogatoires par les services algériens pour lui faire avouer appartenir au MAK. Malgré l’absence de preuves contre lui, il est quand même condamné à 14 mois de prison.
Chronique d’un génocide annoncé
Après les grandioses marches du MAK pour l’indépendance kabyle le 20 avril 2021 que ce soit en Kabylie, en Europe ou en Amérique du Nord, les choses vont s’accélérer. Le soir même, Saïd Ben Sedira appelle à gazer la Kabylie et à l’extermination de ces milliers de kabyles qui ont marché, les militants du MAK et ceux qui les soutiennent.
Le sénateur Abdelouahab Benzaim déclare au lendemain des marches: « Un jour qui n’est pas loin, nous allons éradiquer toutes ces tumeurs cancéreuses qui rongent le corps d’une nation unie ».
criminaliser le droit à l’autodétermination désormais assimilé à du « terrorisme », et ce au mépris aussi bien des pactes internationaux, de la Charte des Nations Unies et de l’article 32 de la constitution algérienne.
Le 12 juin 2021, le sénateur algérien Abdelouahab Benzaim récidive en appelant à une guerre contre la Kabylie et l’extermination des kabyles qu’il qualifie encore de tumeur dans le corps de l’Algérie.
A partir du 20 juin, de nombreuses arrestations sont opérées dans les milieux politiques kabyles pour « appartenance à « organisation terroriste » alors qu’ils n’ont jamais eu le moindre geste, la moindre déclaration pouvant être interprétée en tant que telle.
Lors d’un Conseil des ministres tenu le 25 juillet 2021, Abdelmadjid Tebboune a ordonné d’élaborer un projet de loi punissant sévèrement les auteurs d’incendies criminels de forêts, avec des peines allant jusqu’à 30 ans de prison ferme, voire la perpétuité si l’incendie a causé la mort d’individus.
Cette chronologie démontre la planification et la préméditation par Alger du massacre par le feu de 2021 en Kabylie et ce pour plusieurs objectifs. Le premier est de justifier la destruction de la Kabylie en la diabolisant. Le deuxième est de légitimer la classification du MAK comme organisation terroriste en l’accusant de ce crime contre l’humanité que l’État algérien a lui-même planifié et commis. Le troisième est de légaliser les rafles qui allaient suivre.Plus de 13 milles kabyles sont injustement condamnés à de lourdes peines sur des dossiers vides à travers l’accusation, sans la moindre preuve, du Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie d’être derrière ces feux criminels. Mais cela ne pouvait pas être crédible, il fallait alors impliquer le Maroc et Israël qui auraient donné les moyens au MAK de brûler…sa Kabylie.
Ce qui étonne, c’est qu’aucune dénonciation n’a été émise par l’Algérie, ni au conseil de sécurité de l’ONU ni à l’assemblée de l’ONU. On ne retrouve l’accusation de ces deux États ni dans les parodies de procès des militants kabyles, ni dans la demande d’extradition formulée à l’encontre d’Aksel Bellabbaci, conseiller du président Ferhat Mehenni.
Le régime militaire algérien a tout fait pour faire basculer la Kabylie dans la violence pour se donner la légitimité de la détruire définitivement, en vain. Il a tenté de ramener le MAK sur le terrain militaire, ne le suivant pas dans ces pièges, Alger invente des actions terroristes qu’elle a essayé d’imputer au MAK mais tout le monde sait que le MAK est pacifique. Alors, la junte a eu recours à un massacre à grand échelle, celui de l’Été noir 2021.
Alger pensait pouvoir détruire le MAK né dans les tragiques événements du printemps noir par un autre massacre celui de 2021. Si Alger a réussi à empêcher par la terreur la mobilisation en faveur de l’indépendance en Kabylie, il a non seulement échoué à le faire dans la diaspora mais a donné par son acharnement une grande visibilité internationale à la lutte pacifique kabyle, visibilité que le MAK n’a pas les moyens de s’offrir, bien qu’il a engrangé de très beaux succès.
En effet deux prestigieux cabinets juridiques de Londres, spécialistes dans le droit international, confirment que les kabyles sont un peuple et ouvrent droit à l’autodétermination. Des sénateurs américains, français ont reçu le président kabyle en exil, Ferhat Mehenni. Des députés canadiens, britanniques, défendent le droit à l’autodétermination de la Kabylie au sein de leurs parlements respectifs. Le Maroc défend le droit du peuple kabyle à son indépendance à l’assemblée générale de l’ONU et ce à plusieurs reprises.
Une année après les grandioses marches simultanées du 20 avril 2024 à Paris, Montréal, Londres, New York, Philadelphie et San Francisco et la proclamation à 18h7 heure de Kabylie de la renaissance del’Etat kabyle devant le siège des Nations unies à New York, le gouvernement kabyle en exil s’apprête, avant la fin de l’année 2025, à proclamer la déclaration unilatérale de l’indépendance de la Kabylie.
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