CONTRIBUTION (SIWEL) —La liesse qui s’est emparée des peuples d’Algérie et à laquelle le pouvoir a opposé volontairement, au début, une sourde oreille et compte tenu de la succession d’évènements par la suite, n’augure rien de bon et risque de complexifier davantage la situation politique. Cette attitude du « wait and see », laborieusement et sciemment planifiée, est en réalité une stratégie du pouvoir mafieux d’Alger basée sur un pronostic prévoyant deux scénarios plausibles.
À savoir, l’essoufflement du mouvement ou le cas échéant le pourrissement. Dans un cas comme dans l’autre, le pouvoir pense sauver sa peau en donnant d’une main pour récupérer de l’autre, comme il l’a toujours fait. Comme par le passé, il a, d’ores et déjà, commencé par doses homéopathiques à proposer des pistes de solution à la crise en croyant duper les peuples d’Algérie. Par ce plan, le pouvoir envisage de procéder à quelques ajustements cosmétiques du système, sans pour autant toucher foncièrement à sa structure. Les Algériens dans toute leur diversité sont conscients de cette supercherie et n’ont pas hésité à rejeter catégoriquement tout ce qui émane de ce pouvoir en qui ils n’ont plus confiance.
Soit, la rupture pour le moment est totale, et l’option de l’essoufflement du mouvement semble s’éloigner de la réflexion des décideurs qui, déstabilisés par l’ampleur de la contestation et l’urgence de la situation, ne savent plus à quel saint machiavélique se vouer. L’assiduité des marches hebdomadaires et les manifestations sectorielles (avocats, magistrats, médecins, etc.) organisées de manière disciplinée pour rester pacifiques n’offrent pas les conditions idoines de pourrissement de la situation espérée par cette classe politique dirigeante actuelle. L’étau se resserre sur le pouvoir qui a certainement actionné son laboratoire pour mettre en place le plan C qui consiste à créer un vide constitutionnel, à activer ses relais de la propagande pour convaincre les peuples d’Algérie que leur pays est menacé, et justifier ainsi la décision d’instaurer l’état de siège en faisant appel aux architectes généraux « Janviéristes » experts dans la politique des complots, encore en vie comme en 1992. Ces derniers n’hésiteront pas à renvoyer l’ascenseur au pouvoir pour service rendu par les lois sur la « Concorde civile » et la loi sur la réconciliation nationale. Au vu des sorties répétées du plus vieux soldat du monde et de la sur-médiatisation de ses discours, c’est le portrait qui semble se dessiner pour faire émerger une dictature « new look » acceptable par les peuples de l’Algérie qui plébiscitent déjà l’ancien général de Batna.
Celles et ceux qui pensent que l’équipe politique aux commandes va céder facilement le pouvoir en organisant son jubilé d’adieu dans l’honneur et l’enthousiasme se trompent lamentablement pour les raisons suivantes :
Ce pouvoir politique, arrivé aux commandes du pays par effraction en 1962, ne va pas quitter la table tant et aussi longtemps qu’il y a une profusion de festins comme le gaz de schiste dont l’exploitation est autorisée pour les compagnies françaises, comme c’était le cas des essais atomiques à Regane.
À l’instar des dirigeants arabes, ces politiciens prédateurs souffrent d’une tare congénitale à vouloir mourir sur le trône et aucun d’eux ne peut se faire « hara Kiri ». À ce propos, le grand journaliste et meilleur Directeur de l’ENTV, feu Abdou Bouziane, écrivait ceci dans un éditorial de Révolution Africaine, lors des émeutes de 1988 :
« Et comme la classe politique algérienne manque singulièrement d’honneur et de dignité, nous n’avons connu à ce jour aucune démission publique d’un politicien ou d’un ministre.», M. Bouziane a bien résumé le profil psychologique des politiciens algériens.
Nos frères Kabyles et nos voisins amis « Algérienistes » ne doivent pas perdre de vue que dans cette effervescence populaire qui risque de prendre des allures de psychodrame (ce que je ne souhaite pas personnellement), il y a des acteurs importants et déterminants qui activent pour préserver leurs intérêts. Il s’agit notamment de la France et des monarchies les « achika »(frères) arabes. Ces pays ont une part considérable dans l’impasse actuelle du pays et j’estime être dans mon droit de leur dire la vérité en face en ma qualité de citoyen concerné par l’avenir de mon pays kabyle et de l’Algérie.
Interférences de la France officielle
La classe politique française, par la bouche du Général De Gaule, confirme que ce pays n’a pas d’amis mais n’a que des intérêts et ce principe est une constante immuable de sa politique étrangère. Ses interventions, répétées en Afrique, étalent dans toute leur laideur et douleur un néo-colonialisme abject.
La politique étrangère de la France est à géométrie variable selon les états partenaires qu’elle traite, soit avec respect, soit avec mépris. Pour appuyer mon constat, la position politique de la France vis-à-vis du mouvement indépendantiste québécois repose sur l’axiome suivant « non-ingérence et non indifférence » pour ne pas irriter, d’une part le Canada et ne pas froisser ou abandonner les souverainistes québécois, d’autre part.
En ce qui concerne l’Algérie, son principe repose sur le concept d’« omniprésence et interférences », et c’est ce qui explique l’activisme débordant de son ambassadeur en Algérie. Afin de maintenir les pays d’Afrique du Nord dans l’ignorance et le sous-développement, la France a inoculé aux peuples de cette région le virus de l’arabisme et de l’islamisme, et ce n’est pas surprenant d’entendre en Algérie la démocratie est « kofr » alors qu’elle est un outil d’émancipation des peuples et un instrument de contrôle des gouvernants.
Pour préserver ses intérêts, la France officielle ne va pas rester les bras croisés dans la crise politique actuelle. Le peuple kabyle et les Algériens doivent être vigilants et se méfier des politiciens de ce pays qui est une des deux mains étrangères de ce pouvoir mafieux.
Rôle des pays arabes
Les monarchies arabes sont très inquiètes et suivent avec une attention accrue les évènements qui se déroulent en Algérie.
Cette situation ne les réjouit guère. En scrutant l’attitude de ces voisins arabes qui multiplient les réunions avec leur parrain français, on peut déduire qu’ils sont envahis par un stress inattendu et l’urgence de trouver une solution constitue un impératif vital à leurs régimes. Si ce n’était leur statut de colonisateurs de l’Afrique du Nord, normalement ce qui se passe en Algérie ne devrait pas les concerner et on ne peut leur appliquer l’adage qui dit :
« C’est la poule qui pond et c’est le coq qui se plaint.»
Ces dirigeants arabes sont convaincus que si la révolution pacifique algérienne réussit elle va, inévitablement, avoir un impact sur tout le monde arabe, même au delà, et leurs régimes seront exposés à tous les risques et périls. C’est pour cette raison qu’ils vont faire l’impossible pour venir au secours de cette mafia politico-financière, quitte à fomenter des troubles, et pourquoi pas une guerre civile comme ils l’ont fait en Syrie, au Liban et au Yémen. Ils ont des relais bien sûr au sein du pouvoir, au sein de la fausse opposition, et dans la société civile (les islamistes et les baathistes sont aux aguets).
Mission de Lamamra
Ce diplomate, qui jusqu’à son rappel par «Fakhamatouhou», jouissait d’une bonne réputation, s’est avéré être finalement un politicien médiocre et sans dignité ou un opportuniste de mauvais aloi. Il a prouvé, en acceptant de se rendre dans certains pays, son appartenance au système et s’est stupidement discrédité. Ses déplacements avaient pour objectif de sonder la réaction de ces puissances étrangères, obtenir du moins leur soutien et éventuellement la garantie de ces pays de ne pas reconnaître la nouvelle autorité qui émergera éventuellement du peuple comme ce fut le cas en Libye. C’est une hypothèse qui peut paraître invraisemblable, mais ce pouvoir est capable de tout faire pour compliquer la situation si elle devient dangereuse pour ces prédateurs sans vergogne..
Avec mes sincères et fraternelles salutations.
Avdalla At Mhasseid
Ancien vice-ministre du tourisme du MAK-ANAVAD
SIWEL 015006 AVR 19