CHRONIQUE (SIWEL) — Le dédain, la condescendance et l’insolence affichés, du vivant de Lwennas, par une large partie de l’élite kabyle, qui ne jurait que par les plagiaires, nous prouvent, si besoin, que la mesquinerie et l’étroitesse d’esprit peuvent être une forme de maladie incurable et dangereuse pour son porteur.
Pourquoi cette partie de notre élite ne portait pas le Rebelle dans son coeur ?
À les écouter, nos « têtes pensantes » avaient décelé en lui, a travers sa versification, ce pourfendeur « inconscient », du parti unique, de la langue unique, de la religion unique, d’un pays unique où tout est inique, qui voulait en découdre avec l’ordre établi, quitte à faire don de sa vie.
La suite vous la connaissez.
Lwennas, tel que je l’ai connu, n’a jamais été, au fond de lui-même, un algérianiste convaincu. Inutile de chercher à lui apprendre l’antinomie entre le grain et l’ivraie, l’eau et le feu !
À une période précise de sa vie, il s’est engagé corps et âme pour soutenir ceux qui croyaient encore en une Algérie démocratique, plurielle ; celle des peuples, pas d’un peuple. Ce qui lui faisait horreur, étaient l’uniformité, la continuité et la conformité dans la monotonie. Il n’était ni dupe, ni définitivement estampé, comme l’ont souhaité ceux qui croyaient l’embrigader à jamais.
Petite anecdote :
Suite à sa libération après le kidnapping, dont il avait été victime, il fit un passage au 20 heures de TF1 où il déclara qu’il avait été enlevé par les groupes islamiques armés, ajoutant qu’il était affirmatif ! Cette confession retentissante lui avait été soufflée par les acolytes des généraux. (Vujlimat yeţεelliqen cciεat).
Nous nous vîmes quelques jours après. Au cours de notre discussion je me suis permis de lui dire : comment peux-tu affirmer, devant huit millions de téléspectateurs, que tes ravisseurs étaient des membres des groupes islamiques armés ? En lui ajoutant : tu pouvais te contenter de dire, c’est ce qu’ils m’ont dit. Je lui avais même évoqué le fameux dicton kabyle : Akken d uǧǧeweɣ i saǧǧeweɣ, (je vends au même prix que j’ai acheté).
Il se contentera de me dire : t’inquiète pas, je ne suis pas aussi crédule que ces escamoteurs le croient.
Les champions de la récupération et de la manipulation avaient cru que l’électron libre qu’était Lwennas, allait être transformé en un simple porte-voix de leur stratégie d’aliénation et qu’ils pouvaient définitivement l’embringuer dans leur algérianisme aussi insensé que démesuré. Il avait rapidement détecté leur stratagème.
De cet embrigadement qu’il avait trop mal vécu, il revint immédiatement à sa propre raison et à sa Kabylité, de laquelle il ne s’est jamais déchaîné.
Les Kabyles algérianistes qui s’appuient sur certaines de ses brèves, qui les caressent dans le sens du poil, donnent l’air de le comprendre que dans ce qui leur procure une satisfaction non dissimulée.
Qu’ils écoutent et qu’ils comprennent : Kker a Taqvalit-Ssved llqed-im. (Lève-toi ô Kabylité-Tiens leur la dragée haute). C’était déjà en 1983, bien avant les tragiques évènements, du Printemps noir, qu’a connus la Kabylie.
Dans tous son répertoire nous retrouvons son attachement indéfectible et inébranlable à sa Kabylité.
Que les fossoyeurs arrêtent de se masturber l’esprit, qu’ils fredonnent les chansons de ceux qui sont acquis à la cause algérianiste, et qui sont légion.
Lounès était, et est pour l’éternité un Kabyle inoxydable, inaltérable !
Les 20 ans de complicité et de connivence que nous avions eu à partager m’ont suffisamment immunisé et fait comprendre qu’il est temps de dire aux pillards de mémoire d’arrêter de pervertir et de détourner son combat de sa concrète et authentique trajectoire.
Voici, en guise de réponse à ces gueux, ce que Lwennas avait déclaré au quotidien (Liberté) le 03/03/1998, soit un peu moins de quatre mois avant son tragique et lâche assassinat :
Je suis Kabyle et fier de l’être ! Je ne connais pas d’autre région à part ma Kabylie natale. Elle est tout pour moi. C’est notre oxygène, notre raison de vivre.
Fermez le banc !!!
A.T. 06/10/2019
SIWEL 071945 OCT 19
Illustration : Les bénéfices de la vente du livre « Matoub Lounès, Notes et Souvenirs« , paru aux Editions « Fauves » en mars 2018 dont l’auteur est Dda Teyyev, sont destinés à l’édification du mémorial MATOUB LOUNES.