LE CHOIX DÉLIBÉRÉ DE L’IMPASSE

AQVU (SIWEL) — 22 mai 2021. Après avoir « assiégé » toute la région dès les premières lueurs du matin, une incursion policière a eu pour cible le domicile du président de la coordination universitaire du MAK, Mustapha Akkouche, pour tenter de l’embarquer manu militari – un euphémisme – et en faisant usage d’une « nouvelle arme » contre les militants et les citoyens intervenus pour l’extirper d’entre les mains d’agents algériens impitoyables… Quelques heures plus tard, on signale qu’une quinzaine de militants du MAK sont arrêtés sur leur route vers Tifrit pour être transférés vers la ville de Vgayet où ils sont toujours retenus dans les locaux du commissariat central. À Tifrit, ils comptaient se joindre à l’hommage à Masin u Harun qui y était prévu pour commémorer le 25e anniversaire de sa disparition prématurée des suites des sévices et autres tortures qu’il avait subi durant les 11 années de sa séquestration à Tazult-Lambèse. Gageons que ces événements et cette rafle, parce que dirigés exclusivement contre les indépendantistes, seront, une fois de plus, zappés par les opposants de mauvais aloi ainsi que par les médias et la presse privée. L’allié objectif du pouvoir algérien trouve, ici, non seulement toute sa signification, mais aussi son entérinement.

Plus que jamais, l’État algérien s’enfonce chaque jour davantage dans sa logique belliqueuse envers une Kabylie qui, malgré sa diversité et sa partie assimilationniste, semble être déjà dans la voie de son émancipation politique. La police algérienne et autres services dits « de sécurité », faisant fi de la loi et de toute forme de formalisme, pire, de la dignité, se transforment de plus en plus en forces d’occupation et en véritables bras armé d’un système terroriste qui, comme en 1963, en 1976, en 1980, en 1981, en 1985 et en 2001, ne s’encombre même plus de scrupules pour tenter, une nouvelle fois et par des procédés grotesques et risibles, de coller l’étiquette de terrorisme à l’éternelle miroir de sa hideuse nature, la Kabylie. Affaibli par la nature prédatrice de ses clans, mais renforcé par l’incohérence, le folklore et la stérilité des marches du vendredi, Alger fait feu de tout bois pour protéger son pouvoir et ce, quitte à jouer encore avec le feu en Kabylie où les signes d’une rupture catégorique et inédite sont de plus en plus perceptibles. Pour ne pas tout citer, le sort historique réservé par le peuple kabyle aux présidentielles de décembre 2019 et au référendum constitutionnel de novembre 2020, au-delà des apparences et d’une certaine forme d’occultation, s’inscrit en droite ligne de cette nouvelle perspective, l’indépendance, qui, chemin faisant, se cristallise et s’affirme au fur et à mesure qu’on tente de toute part de l’étouffer. Les prochaines législatives algériennes qui, malgré les impostures et toutes les manœuvres qui seront déployées pour tenter de travestir la réalité, se feront sans la Kabylie. Par conséquent, elles ne pourront que consolider cette tendance qui appelle objectivement une nouvelle lecture politique pour le pays kabyle dans sa très longue quête de la liberté. C’est là et nulle part ailleurs, que se situe la raison fondamentale de la subite recrudescence de la ridicule campagne de diabolisation et des attaques ignobles qui visent le MAK depuis les imposantes marches du 20 avril et, in fine, la violence multidimensionnelle qui frappe ses militants depuis vingt ans.

Ainsi, ce n’est nullement de la redite ou du catastrophisme que de rappeler que ce bellicisme sublétal de l’État algérien vis-à-vis de la Kabylie, s’il n’est pas suspendu très vite, au profit d’une logique de désescalade, ne peut aboutir qu’à de sinistres situations sur lesquelles personne n’aura le contrôle et desquelles personne n’en sortira vainqueur. Cependant et vu l’autisme caractériel du personnel de l’actuel régime d’Alger, il est fort à craindre que le jusqu’au-boutisme par la terreur, ira crescendo avec, comme ultime objectif, celui de pousser la Kabylie dans l’exacerbation et la réaction qui sont susceptibles de produire l’erreur escomptée. Cela justifiera une version algérienne de la rafle du Vél d’Hiv et, quand cela sera jugé nécessaire, le recours aux armes de guerre. Le colonialisme a beau se parer d’une façade d’un État naturel, il finit toujours par être rattrapé par sa propre réalité.

Certes, il y a toujours, en amont, un processus cumulatif pour arriver à l’irréparable, mais l’histoire a retenu que le juif, longtemps assimilé au rat et à l’argent, a connu le pogrom et la Shoa, le Tutsi traité de cafard, a subi le Rwanda de 1994 et ce, malgré les accords d’Arusha, le peuple mozabite, considéré hérétique, subit la violence depuis des décennies, tout en s’observant se rétrécir comme une peau de chagrin… Accusé depuis l’ENA, de tous les maux, même de terrorisme, ce qu’il a pourtant subi de tout temps et qu’il a de tout temps combattu, le Kabyle peut-il être raisonnablement et éternellement victime que de la violence classique dont la brutalité ne pourrait dépasser celle de 2001, voire de 1963 ? Celles et ceux qui croient naïvement que les nouvelles technologies de l’information et le monde d’aujourd’hui rendent impossibles de telles éventualités, n’ont qu’à regarder du côté du Yémen, du Tigré, de la Papouasie occidentale, etc.

Dans un tel climat fait d’incertitudes, de stigmatisation et de brutalité, il faut espérer que, pour éviter le piège de la provocation, la solidarité soit effective, communautaire et confédérale, et la vigilance, maximale.

Mon soutien est total, sans démagogie ni contorsionnisme rhétorique*.

Allas Di Tlelli
22/05/2021

(*) Toute ma solidarité avec les enseignantes victimes d’agression et de viol collectif à Bordj Badji Mokhtar, en Algérie ; conséquence directe de l’arabo-islamisme, socle du système algérien et de la société algérienne, qui s’est emparé des médias, de l’école, de la rue et des esprits.

SIWEL 240940 MAI 21