L’annonce de son départ vient de tomber comme un couperet. L’émotion me submerge et me laisse sans voix. J’aurais aimé sangloter pour dégager ma douleur. C’est tellement insupportable ! La fureur de la Covid-19 l’a, lui aussi, emporté alors qu’il ne fréquentait pas les foules.
Enfant de Maraghna ayant eu une partie de son enfance à Agoussim, il n’avait pas eu le temps de connaître son père, tombé au champ d’honneur durant la guerre d’Algérie, alors qu’il ne devait avoir que 3 ans.
Brillant dans ses études, il était diplômé de l’université de Bab Ezzouar et avait passé sa vie à transmettre ses savoirs par l’enseignement et la chanson.
La chanson était sa passion. C’était un virtuose de la guitare et il était l’un des rares de sa génération à maîtriser son instrument, aussi bien au solo qu’à l’accompagnement. C’est en 1978 que je lui avais demandé de rejoindre Imazighen Imoula, alors qu’il était encore étudiant en sciences exactes. C’était avec lui que j’avais enregistré à Bagnolet, en 1981, le deuxième album 33 tours, intitulé « Chants berbères de lutte et d’espoir » dont le texte de présentation et les traductions françaises sont de Younes Adli, et la photo de l’intérieur de la pochette était du regretté Ferhat Oumalou, prise à la fac centrale d’Alger le 20 avril 1981, nous montrant sur scène devant une immense foule estudiantine. Je lui dois les basses de la chanson « Oued Ouchayeh ». Il avait aussi fait les chœurs dans « Am arezg nnegh ».
A la fin de ses études, nos chemins s’étaient professionnellement séparés mais j’écoute à ce jour, son répertoire avec un plaisir mêlé d’admiration, pour son immense talent musical.
Son témoignage sur la filiation entre moi et Cherif Kheddam, à l’enterrement de ce dernier auquel il avait assisté en janvier 2012, m’avait énormément ému. Il était pétri de valeurs.
Rachid Sairi m’a accordé le privilège d’écouter au studio d’enregistrement, en 2008, juste avant mon dernier départ de Kabylie, le volume que Mohand Ouali préparait avec beaucoup de soin.
Mohand Ouali était d’une gentillesse et d’une douceur incomparables. Il est désormais étoile, scintillant au firmament et veillant tel un Saint sur Maraghna, Illulen U Malu, la région d’Iɛeẓẓugen, la Kabylie et la musique de nos ancêtres.
Mes condoléances les plus attristées pour ses enfants et toute sa famille dont son frère Ameziane Kezzar.
Exil, le 20/07/2021
Ferhat Mehenni
SIWEL 210645 JUIL 21