KABYLIE (SIWEL) — 32 ans après sa disparition, Mouloud At Maamer, le militant infatigable de la cause amazigh, continue toujours à inspirer les kabyles jaloux de leur langue et de leur identité. Né le 28 décembre 1917 à Taourirt-Mimoun, village relevant de la commune d’At Yenni, il est devenu écrivain, anthropologue, linguiste spécialiste de la langue et la culture amazigh. L’auteur du Sommeil du juste, roman écrit en 1955, a fait ses études primaires dans son village natal. Puis en 1928 il part s’installer au Maroc chez son oncle dans la ville de Rabat. En 1932, il retourne à Alger où il poursuit ses études au lycée Bugeaud à Alger.
Quelque temps plus tard, dans l’espoir de faire l’école normale supérieur, Maameri part à Paris pour poursuivre ses études au lycée Louis-Le-Grand. En 1939 il fut mobilisé pendant la deuxième guerre mondiale et participe aux compagnes d’Italie, de France et d’Allemagne. En 1947 il rentre en Algérie où il exerce le métier d’instituteur à Médéa et à Ben Aknoun. En 1952 Mouloud At Maamer écrit son premier roman intitulé La Colline oubliée, dans lequel il nous peint la misère, l’ignorance, la faim et la maladie dans lesquels vit le village Tasga sous le joug colonial, un roman qui a permet également à Maameri de décrire minutieusement la manière avec laquelle les habitants tiennent à leurs us et coutumes ancestrales qu’ils considéraient comme sacrés.
En 1955, c’est le tour du roman Le sommeil du juste, où Maameri évoque une affaire de famille et de vengeance dans la montagne kabyle, il s’agit du premier fils du patriarche qui sauve l’honneur en tuant le rival, au moment où Slimane, nationaliste, et Arezki, revenant désenchanté de la compagne d’Italie, approuvent cet acte vindicatif et œuvrent à l’émergence de l’esprit nationaliste anticolonial. En 1957, pour éviter d’être arrêté, il quitte son pays pour aller s’installer au Maroc. Après 1962, il rentre au pays, où il a écrit un autre roman en 1965 intitulé L’opium et le bâton dans lequel il retrace le parcours de Bachir, médecin à Alger, qui retourne dans son village natal en Kabylie, pour rejoindre le maquis, sous contrôle de l’armée française. De 1968 à 1972, Mouloud At Maamer a pu enseigner des cours de tamazight à l’université d’Alger. Ces cours étaient, pour rappel, assurés bénévolement et sous autorisation de l’administration coloniale de Boumediène, suite à la suppression de la chaire de tamazight à l’université. En 1969, il recueille et publie les textes du poète kabyle Si Mohand.
En 1980, le pouvoir colonial interdit sa conférence sur la poésie kabyle ancienne programmée à l’université de Tizi Ouzou, qui porte aujourd’hui son nom. Une interdiction qui était à l’origine du soulèvement populaire du printemps berbère. Un printemps pendant lequel plusieurs manifestants étaient agressés et d’autres, emprisonnés et torturés dans les geôles du système colonial raciste. Parmi ces prisonniers, arbitrairement incarcérés et torturés, il y avait Mass Aselway Ferhat Mehenni, l’un des militants pionniers qui ont appelé au soulèvement de 80, qui était parmi ceux auxquels les sbires du DRS ont fait subir d’atroces sévices pendant plusieurs mois dans les cachots sombres de Lambèse. En 1982, il fonde à Paris le Centre d’Études et de Recherches amazighes (CERAM) et la revue Awal.
En 1988, il reçoit, à la Sorbonne, le titre de docteur Honoris Causa. Le 26 février 1989, de son retour d’un colloque sur l’amazighité d’Oujda du Maroc, l’écrivain meurt près d’Ain-Defla suite un à prétendu accident de voiture. Une mort suspecte de l’un des symboles du combat pour l’identité amazigh que les Kabyles endossent au pouvoir colonial algérien en affirmant que c’est lui qui était derrière son assassinat. Plus de 200 000 personnes ont assisté à son enterrement qui a eu lieu dans son village natal, au lendemain de sa mort. À noter que plusieurs activités sont organisées à At Yanni en guise d’hommage à une sommité kabyle qui a consacré sa vie au développement de la langue kabyle et à la lutte identitaire.
Youva Amazigh
SIWEL 261850 FEV 21