JE REFUSE

KABYLIE (SIWEL) — Dans beaucoup de commentaires relatifs à la tragédie kabyle dans lesquels les insultes, les menaces, la soumission prolifèrent, l’anonymat bat son plein dans un brouhaha inaudible et notamment dans le détournement d’opinion généré par le piège tendu à travers l’odieux crime commis deg At Yiraten et qui appellent la victime à demander pardon à son bourreau. Serait-ce parce que les auteurs n’assument pas leurs dires ou leur pensée ? N’est-il pas plus honnête de parler en son nom propre pour ne pas travestir la pensée des autres ? Les faits sont pourtant clairs et la vérité connue. La polémique devrait s’arrêter là. Mais non. L’auto-accusation continue, parfois de manière viciée, propagée même par des personnalités connues.

Les hommes et les femmes et, mon dieu, les enfants carbonisés, la terre brulée, la faune calcinée, le bétail décimé, les conséquences graves qui seront induites au plan sanitaire, économique, psychologique, la menace sur la culture ancestrale, le possible de dépeuplement de la Kabylie, ne seraient qu’un détail puisqu’il faut reconstruire la nouvelle Algérie, appeler un régime qu’il est inutile de décrire, à se réformer et se mettre à table en vue d’un projet futur qui le sortirait de son enfermement. J’ai même entendu un petit air discret d’éloge à l’ère Bouteflika si ce n’est au personnage lui-même. De là, le miracle sortirait ; ceci s’appelle de la magie. Mais ce régime que les magiciens cherchent à tout prix à aider continue de s’enfoncer davantage dans l’escalade de la bêtise.

Je suis brûlé dans ma chair, mon cœur est brisé, mon esprit est bouleversé, J’ai vu l’enfer de mon vivant. Je refuse d’être inclus dans le lot de ceux qui se criminalisent, dans le lot de ceux qui appellent à l’auto-flagellation, de ceux qui appellent à l’oubli et, partant à assassiner la mémoire, je refuse d’être parmi ceux qui continuent de faire des crevasses dans les sillons de l’Histoire, de ceux qui portent en eux la marque du masochisme, de ceux qui se sous-estiment pour faire plaisir à celui qui les fouette, de ceux qui renient leur mère pour plaire à ceux qui s’en réjouissent. Je passe sur ceux qui marchent sur le ventre ne lèvent pas la tête, je passe sur ceux qui pensent posséder la vérité, ceux qui croient être au-dessus des autres quant à la connaissance et au savoir et qui, par-là, expriment leur mépris des autres. Ils ne regardent pas beaucoup autour d’eux, ils vivent dans leur bulle et ne voient pas l’éclosion prodigieuse de l’intelligence kabyle dans les quatre coins du monde.

A ces gens-là, je peux répondre par un extrait du grand Jean Muhuv AMROUCHE :
(…….) À l’homme le plus pauvre, à celui qui va demi-nu sous le soleil, dans le vent, la pluie ou la neige à celui qui, depuis sa naissance, n’a jamais eu le ventre plein, On ne peut cependant ôter ni son nom ni la chanson de sa langue natale ni ses souvenirs ni ses rêves.
On ne peut l’arracher à sa patrie ni lui arracher sa patrie.

Pauvre, affamé, nu, il est riche malgré tout de son nom, d’une patrie terrestre son domaine et d’un trésor de fables et d’images que la langue des aïeux porte en son flux comme un fleuve porte la vie. (…) on peut affamer les corps, on peut battre les volontés, mater la fierté la plus dure sur l’enclume du mépris, on ne peut assécher les sources profondes où l’âme orpheline par mille radicelles invisibles
suce le lait de la liberté.

De grâce, qu’on cesse d’abuser d’un outil numérique qui devrait avoir pour vocation la liberté de parole dans le respect de sa norme philosophique, la liberté de conscience, et, surtout, l’élévation des esprits mais qui, hélas, a aussi ouvert les portes à une certaine forme de médiocrité.

Raveh Urehmun
SIWEL 211700 AOU 21