HISTOIRE (SIWEL) — Dans le contexte de violence extrême que vivait la Kabylie, depuis le 18 avril 2001, face aux forces militaires et policières du régime algérien, cette déclaration de Ferhat Mehenni, alors président du MCB-Rassemblement National, montre le chemin parcouru depuis vers la liberté et l’indépendance de la Kabylie. D’une justesse implacable, cette déclaration datant du 05 juin 2001 soit 20 ans jour pour jour est un document qui marque un tournant historique dans l’Histoire de la Kabylie.
DÉCLARATION DU 05 JUIN 2001
Si cela fait déjà plus d’un mois et demi que la Kabylie subit les assauts meurtriers du pouvoir dans un silence général assourdissant c’est parce que le régime et ses relais ont méthodiquement, depuis 1963, organisé la marginalisation de cette partie du pays.
Présentée toujours comme l’ennemi intérieur par des élites et des médias aux ordres, la Kabylie et le Kabyle sont souvent suspectés, à tort, par le simple militant de l’ex parti unique, de constituer une menace permanente sur l’unité nationale.
Son particularisme multiforme, dont son irrédentisme identitaire et linguistique, est à l’origine de sa mise officieuse au ban de la nation.
Bien des politiques aberrantes ont été justifiées sur la base d’une volonté officielle de réduire cette région insoumise : La politique d’arabisation de l’école, de l’environnement, de l’état civil et des prénoms ; le changement de dénomination des clubs sportifs, rien que pour faire disparaître le mot « Kabylie » de la JSK ; l’intensification de l’enseignement religieux du temps de CHADLI pour pacifier la région au risque de renforcer l’intégrisme islamiste envahissant à l’échelle nationale ; le dépeçage territorial de la Kabylie en en rattachant des pans entiers aux wilayas limitrophes afin d’en réduire l’importance géographique et faciliter sa répression ; et dans ce même ordre d’idées, il y a eu la multiplication, depuis 1980, des implantations de nouvelles casernes de gendarmerie nationale à tel point que nulle de nos daïras n’y a échappé.
Ce sont celles-ci qui, en ce printemps 2001, tirent à balles explosives sur notre jeunesse au courage et à l’héroïsme inégalés dans toute l’histoire de notre pays.
Cela fait 21 ans que la Kabylie tente vainement de remettre l’algérianité au cœur de l’Algérie à travers ses revendications identitaires et linguistiques amazighes.
Cela fait 21 ans de répression et d’humiliation d’une région qui ne demande qu’à participer à l’essor du pays, au bien-être des Algériens et au respect de leur dignité et de leur citoyenneté.
Si ce pouvoir n’a eu ni la volonté de nous écouter ni celle de nous respecter, s’il organise systématiquement notre isolement à l’échelle nationale et s’il tire à balles réelles sur de jeunes manifestants kabyles, c’est parce qu’il est l’héritier direct de l’ex Etat colonial français, avec sa culture et ses missions : Diviser pour régner, confisquer la liberté et la démocratie au profit d’une caste qui considère le peuple et les valeurs humaines les plus nobles comme ses pires ennemis.
Devant cet état de fait et l’épaisseur de la révolution que vit la Kabylie depuis 47 jours, n’en déplaise aux tenants d’une interprétation faussement nationale des événements de la Kabylie, la revendication de tamazight comme langue nationale et officielle paraît désormais dépassée, tout comme ses cadres d’expression que sont le MCB et les partis existants.
Nous n’en voulons pour preuve que cette fulgurante émergence des Archs qui, devant l’urgence, ont su réaliser l’unité de la région par-delà les sempiternelles divisions partisanes.
L’aspiration profonde de la Kabylie à vivre en paix dans la nation, avec un statut de large autonomie, s’est fait jour. Sa réalisation pacifique sera enfin le début d’une véritable décolonisation institutionnelle de l’ensemble du pays.
Par respect à l’Algérie, à la Kabylie et à la mémoire de nos martyrs, nous avons le devoir d’être fidèles à nous-mêmes et d’être à l’écoute de l’expression de notre peuple.
Ce statut spécial dont il faudra doter la région, conforme à la constitution et consolidant l’unité nationale, permettra à la Kabylie de protéger ses enfants, son avenir et celui du pays en montrant à ce dernier la véritable voie de la liberté, de la prospérité, de la justice et de la dignité.
Pour le réaliser, une pétition sera lancée dès aujourd’hui et un cadre porteur sera rendu public incessamment.
Tizi-Ouzou, Maison des Droits de l’Homme, le 05/06/2001
Ferhat MEHENNI, président du MCB-Rassemblement National
SIWEL 050845 JUIN 21