CONTRIBUTION (SIWEL) —Dans ce «charivari politique d’adultes» qui risque sous peu de devenir explosif versus «le chahut de gamins (Ali Ammar, FLN en 1988) que doit faire le peuple kabyle et comment doit-il agir pour s’imposer et ne plus laisser les autres décider à sa place ?
Les Kabyles doivent se débarrasser définitivement du réflexe qui consiste à « refaire la cuisson aux os » (traduit du Kabyle) et soigner leur pathologie à vouloir tout le temps se sacrifier pour les autres. Leur élan de générosité les a relégués, dans cette Algérie, à un peuple de 2ème collège avec la complicité des kabyles de service.
Un examen de conscience s’impose et il est impératif de surmonter ce handicap de « Certes, je n’aime pas mon frère, mais je n’aime pas celui qui lui fait du mal. » Nous parviendrons à « J’adore mon frère et je le défendrai contre tous ceux qui lui veulent du mal.»
C’est à cet objectif que s’attelle le mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie, qui, en dépit de toutes les embûches, le parasitage et le grenouillage, arrive à conscientiser les Kabyles et à décomplexer leur esprit.
Le mérite de ce mouvement, sous la clairvoyance et le courage d’un homme d’exception, en l’occurrence M. Ferhat Mehenni, les Kabyles aujourd’hui peuvent dénoncer le colonialisme arabo-islamiste algérien et à internationaliser leur cause. Le MAK qui est le produit de notre Histoire est aujourd’hui incontournable dans tout débat politique.
En l’absence de sondages d’opinion sérieux et d’études fiables, mais au vu de sa capacité de mobilisation impressionnante, n’en déplaise à ses détracteurs et adversaires, ce mouvement est incontestablement la première force politique en Kabylie et arrive même à susciter le respect chez certaines élites des autres peuples de l’Algérie.
Cette force et cette popularité dont jouit le MAK est aussi l’œuvre de nombreuses militantes et de nombreux militants auxquels il faut rendre hommage et exprimer toute notre reconnaissance. Parmi ces gens, citons : Ait Chebib, Azem, Mebarki, Djennadi, Ziani, Nait Sid, Rachida Ider, Abid, les artistes Amirouche, Zedek Mouloud, les militants sur le terrain et bien d’autres braves Kabyles.
Le GPK sous la houlette de Mass Zidane Lefdal a accompli un travail titanesque et poursuit son œuvre laborieusement pour achever « l’architecture organisationnelle de l’état kabyle» qui sera opérationnelle dès l’accession de la Kabylie à son indépendance.
Depuis l’apparition du MAK sur la scène kabyle, la sociologie politique du peuple s’est décantée et se décline en trois profils de citoyens :
Les citoyens indépendantistes qui prônent la séparation.
Les autonomistes partisans du statu quo, mais en opérant des réformes.
Les « Algérianistes » qui considèrent l’Algérie une et indivisible.
Cette divergence d’opinions est un atout important qui donnera l’occasion de débattre dans le respect conformément aux us et coutumes de nos ancêtres. La force de l’argument a toujours prévalu dans les joutes oratoires de nos assemblées des villages et le dialogue a toujours suscité la richesse d’idées et le compromis. La cohésion sociale se consolide et les décisions prises sont, dans la plupart des cas, appuyées par la grande majorité du peuple, si ce n’est pas l’unanimité.
C’est dans cet esprit de dialogue fraternel que je m’adresse, par cette contribution, à mes frères autonomistes, non pas pour leur demander pourquoi ils ne sont pas indépendantistes, mais plutôt pour leur dire pourquoi moi, je ne suis pas autonomiste ?
Autonomie de la Kabylie
Le MAK a été le premier à soumettre cette solution de statut de la Kabylie aux détendeurs du pouvoir algériens, mais vous connaissez le sort réservé à cette proposition. Par son mépris et son racisme viscéral envers le peuple Kabyle, ce pouvoir a ignoré volontairement cette initiative croyant que le peuple kabyle est dans un état d’aliénation irréversible et incapable de supporter « cette idée saugrenue » que certains « apprentis sorciers » ont avancée. Les choses, ont depuis évolué et il est inutile de revenir dessus.
Pour parler de ce concept, on doit s’entendre sur deux points au préalable :
Il faut se référer d’abord à l’Histoire de la Kabylie et vous convenez que notre pays n’a été colonisé par la France qu’en 1857, après plusieurs rébellions et durant la guerre contre la France, la Kabylie au plan militaire était autonome.
Il est ensuite impératif de débattre à propos de ce statut et de s’inspirer nécessairement de l’expérience des autres pays (Canada, Espagne, Royaume uni, etc.).
La table est donc mise pour un dialogue constructif et fructueux et mon intuition me dit que vous ne vous opposez pas à ces deux vérités, un historique et une d’actualité. Pour mieux avancer dans notre échange, je fais appel à votre sens de jugement pour me concéder deux avantages importants sur vous :
Je vis au Québec (Canada) depuis plus de vingt-quatre ans et ces questions d’autonomie, de référendums constituent pour moi un sujet qui me passionne au plus haut point et que, sans prétention aucune, je maîtrise relativement bien, contrairement à vous qui vivez dans des pays centralisés où l’idéologie Jacobine ne laisse aucune place à la diversité des peuples et des cultures, puisqu’elle est basée sur le concept obsolète un seul peuple, un seul territoire, une seule langue, etc. Je suis donc au plan informations et experience bien mieux outillé, lorsqu’il est question de ce type d’organisation politique des nations.
Je confirme être un militant inconditionnel du MAK dont la quintessence est la démocratie, contrairement aux autres acteurs politiques prépondérants en Kabylie. En d’autres termes, le MAK ne préconise rien d’autre que d’interroger les habitants Kabyles sur leur volonté relative à leur avenir. Il ne s’opposera, en aucun cas, au résultat du référendum. À part, les indépendantistes Kabyles, les autres organisations ignorent le peuple et veulent décider à sa place.
L’attitude de cette élite politique Kabyle semble malheureusement prioriser leur carrière personnelle au détriment de l’intérêt collectif du peuple kabyle.
Autonomie une coquille « Kinder surprise»
Pour ne pas dire l’autonomie est une coquille vide, l’image métaphorique qui lui sied le mieux est ce chocolat en forme d’œuf contenant un petit jouet pour un enfant. En proposant ce statut au peuple Kabyle, on a l’impression de lui dire que tu es encore mineur et incapable de prendre en charge ton destin. C’est une façon de ne pas reconnaître son génie et de nier sa maturité et son intelligence qui n’est pas plus supérieure ou inférieure à celles d’autres peuples siégeant au concert des nations.
Convaincre le peuple kabyle d’arracher son autonomie n’est rien d’autre que de lui montrer la voie de la prison, lui dire d’y entrer et une fois à l’intérieur lui conseiller de fermer la cellule et de jeter la clé par la lucarne. L’exemple du Brexit (British Exit, désignant la sortie du Royaume-
Que dire de la Kabylie autonome dans une Algérie attelée au monde arabo-musulman et dont les pays considèrent la démocratie comme un sacrilège à leur mode de vie et une contrainte à leurs valeurs sociales ?
Les indépendantistes Kabyles considèrent l’autonomie comme un suicide collectif qui enterrera progressivement tout espoir de renaissance de la civilisation Amazigh pour les raisons suivantes :
Une nation autonome dans un environnement politico-territorial hostile et partagé n’aura qu’un demi-État surtout qu’elle n’exercera pas son contrôle sur les institutions de pleine souveraineté, comme la défense nationale, le ministère de l’Intérieur, les affaires étrangères, etc.
L’autonomie installera chez le peuple un confort virtuel et une illusion de bonheur en tuant son sens de créativité et en lui procurant insidieusement une paresse intellectuelle mortifère (cas du peuple québécois).
Au plan de l’exécution technique des compétences, il y a inévitablement des chevauchements et la Kabylie n’aura que les ministères à très forte consommation budgétaire, telle que l’éducation nationale, la santé, l’environnement, le développement rural, etc.
L’autonomie va enfin ôter au peuple kabyle sa fierté légendaire et l’opportunité de se surpasser pour s’émanciper, se développer et s’affirmer au sein des nations unies.
Il y a bien d’autres raisons qui démontrent que l’autonomie pour la Kabylie est un mauvais choix. L’idée peut paraître séduisante dans un contexte de pays développé, démocratique, mais dans une Algérie Arabo-islamiste, je persiste et je signe que c’est un suicide collectif et progressif pour le peuple kabyle et aussi pour autres peuples de l’Algérie.
Pour conclure cet appel au débat, qu’il me soit permis de poser à tous mes frères kabyles « algérianistes » et autonomistes deux questions fondamentales méritent d’être posées:
Êtes-vous pour ou contre l’organisation d’un référendum pour l’indépendance de la Kabylie sous l’égide de l’ONU ?
Dans une Kabylie autonome, allez-vous vous opposer à l’ordre de mobilisation de votre fils ou fille en cas de guerre que l’Algérie pourrait déclarer à un pays proche (exemple Maroc) ou à un pays avec lequel elle ne partage pas les frontières (exemple Israël) ?
Avdalla At Mhasseid
Ancien vice-ministre du tourisme du (MAK)
SIWEL 14008 AVR 19